châssis de fenêtre

1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975
1944

Chamebel présente un nouvel élément creux en aluminium destiné à la fabrication de châssis.

1945

Fin de la Seconde Guerre mondiale : la technologie de l’aluminium quitte l’industrie militaire et l’aviation pour soutenir des applications en architecture et en construction.

Le processus de métallisation gagne en popularité dans le domaine de la protection de l’acier.

1947

La presse architecturale belge diffuse les premières publicités pour des châssis de fenêtre en aluminium.

1950

La norme belge NBN 208 établit une série de standards en termes de dimensions de châssis.

Les châssis produits par les Ateliers Tantôt Frères présentent une double ou triple frappe.

1954

Chamebel conçoit le système Wallspan destiné à créer des murs-rideaux.

1957

La production mondiale d’aluminium culmine à 3.300.000 tonnes. Elle était de 264.000 tonnes en 1930.

1958

Fondation du CIMUR, le Comité d’Information pour le Développement des panneaux de façade et des murs-rideaux, en France.

1960s

Vers 1960, Chamebel diffuse un film promotionnel dans lequel apparaît la production de châssis de fenêtre en acier et aluminium. Son titre : Confort et lumière .

1962

Dans une note d’information technique, le CSTC compile les bonnes pratiques en matière de production et d’installation des châssis de fenêtre.

1965

Les Spécifications Techniques Unifiées STS 36 sont établies. Elles s’appliquent aux châssis de fenêtre métalliques.

1970

Le CSTS fait état de recherches sur les caractéristiques fonctionnelles des châssis de fenêtre et sur leur étanchéité. Les châssis soumis aux tests sont principalement en bois.

Le développement des châssis de fenêtre durant l’après-guerre s’est articulé principalement sur deux aspects : le matériau et le design fonctionnel des éléments. Avant la seconde guerre mondiale, les châssis de fenêtre étaient généralement en bois et, dans l’entre-deux guerres, en acier. L’aluminium devint le nouveau matériau d’après-guerre et vit sa popularité croître assez rapidement grâce à son adaptabilité et aux nouvelles possibilités de formes qu’il offrait. L’émergence du nouveau matériau alla de pair avec le développement de nouvelles techniques visant à protéger les châssis des agents atmosphériques et chimiques. Les fenêtres métalliques étaient produites mécaniquement, de manière à en permettre une standardisation et à inclure davantage de particularités, comme des feuillures doubles ou triples, ou encore des rupteurs de pont thermique. De grands fabricants de châssis de fenêtre comme les entreprises belges Chamebel ou La Brugeoise & Nivelles furent des précurseurs dans le design fonctionnel et technique et dans la production de châssis de fenêtre, avec l’utilisation de profilés en aluminium extrudé et de processus de production automatisés, ou encore avec le développement de murs-rideaux. Néanmoins, des rapports de recherche contemporains révélaient ont révélé que, de manière générale, les producteurs se heurtaient à des difficultés relatives à la résistance aux intempéries et l’étanchéité parfaite des châssis de fenêtre d’après-guerre.

types et dimensions de fenêtre

On classe généralement les châssis de fenêtre selon leur manière de s’ouvrir. Outre le châssis de fenêtre fixe, il y a les châssis qui ouvrent, pivotent au basculent autour d’un axe vertical ou horizontal ou encore ceux qui coulissent. Pour les fenêtres ouvrantes à charnières, ces dernières peuvent être disposées sur le côté (fenêtres à battants, les plus présentes dans l’immobilier résidentiel belge), au-dessus (fenêtres à auvent) ou en dessous (fenêtres à trémie). A mi-chemin entre les fenêtres à auvent ou à trémie et les fenêtres basculantes, il y a les fenêtres projetées. Ces dernières étaient relativement fréquentes durant l’après-guerre mais ne sont quasiment plus utilisées aujourd’hui. Plusieurs types de fenêtres pouvaient être combinés dans un seul grand châssis. S’il est habituel aujourd’hui de combiner plusieurs mécanismes d’ouverture dans une même fenêtre (ex. fenêtres oscillo-battantes), ce l’était beaucoup moins durant l’après-guerre.

En ce qui concerne les dimensions des châssis de fenêtre, pratiquement tous les formats étaient possibles. En vue de rationaliser la gamme de production, la norme belge NBN 208 sortie en 1950 définit une série limitée de dimensions standardisées. La standardisation se basait sur les dimensions les plus communes à cette époque, ainsi que sur la pratique de construction contemporaine (ex. hauteurs habituelles de pièces et des seuils de fenêtre, conditions d’éclairage et de ventilation) et les techniques de production des châssis de fenêtre. Les largeurs standards variaient entre 60 et 260 cm et les hauteurs standards entre 60 et 160 cm, donnant lieu à 31 formats standards. La norme précisait également les dimensions des baies dans lesquelles ces fenêtres devaient être installées : en fonction du matériau des châssis et de la présence d’une feuillure dans la maçonnerie, les ouvertures devaient mesurer jusqu’à 8 cm en plus en largeur et 4 cm en plus en hauteur que les châssis. En complément de la normalisation des châssis de fenêtre, la norme belge NBN227 régissait les dimensions standards des baies de porte : le battant de porte devait mesurer 73 ou 83 cm de large et 206 cm de haut, alors que les baies de porte mesuraient 80 ou 90 cm de large et 210 cm de haut.

matériaux de châssis de fenêtre

Si la NBN 208 ne tenait compte que des châssis de fenêtre en bois, en métal (probablement en acier) et en béton, d’autres matériaux étaient également utilisés au cours de l’après-guerre, comme l’aluminium, le fer forgé, le bronze, le cuivre, l’acier inoxydable, et même le PVC, qui était déjà disponible avant 1975. Il était également possible de combiner deux matériaux, par exemple un châssis en bois dont la face extérieure était revêtue d’aluminium ou encore un châssis en bois fixe avec des ouvrants métalliques. Néanmoins, les matériaux les plus fréquemment utilisés pour les châssis de fenêtre des logements d’après-guerre étaient le bois, l’acier et l’aluminium.

Pendant des siècles, le bois a fait office de matériau principal pour les châssis de fenêtre. On utilisait le bois sous forme de profilés massifs, contrairement aux éléments métalliques qui eux étaient creux. En 1958, le journal Architecture publia un numéro thématique sur le bois (n° 23-24), reprenant un article de J. Kennis (du Bureau national de documentation sur le bois) qui traitait des principaux bois de menuiserie. Kennis y énumère 18 essences de bois utilisées pour les menuiseries extérieures et aborde, pour chacune d’entre elles, le poids, la classe de durabilité, le retrait, la dureté, la couleur, la texture et la figuration. Le Centre scientifique et technique de la construction (CSTC) a également fait des recherches sur les châssis de fenêtre en bois, en mettant l’accent sur les aspects fonctionnels du châssis. Ainsi en 1962, le comité technique du CSTC sur les menuiseries compila une note technique sur la bonne production et installation de châssis de fenêtre, comprenant des recommandations illustrées sur la position et la mise en œuvre de feuillures, linteaux, seuils et fixations dans les types habituels de châssis de fenêtre en bois. Néanmoins, la plupart des articles et écrits relatifs aux châssis de fenêtre de l’après-guerre traitaient généralement des châssis métalliques (et en particulier en aluminium) plutôt que des plus traditionnels châssis en bois.

 

 

Les châssis de fenêtre en acier ont gagné en popularité pendant l’entre-deux-guerres. L’acier (et aussi de l’aluminium plus tard) était apprécié du fait de sa grande résistance, permettant de créer des éléments plus minces et des surfaces vitrées plus larges. Dans la littérature, on fait référence de manière récurrente à la proportion de surface moyenne entre le châssis en acier (7%) et le vitrage (93%). La comparaison entre le bois et le métal revient également régulièrement : les châssis de fenêtre métalliques laisseraient passer 18 à 35% de lumière en plus que les châssis en bois. Les châssis en acier offraient également d’autres avantages : la stabilité dimensionnelle, la précision inhérente à une production mécanique, l’incombustibilité, l’imputrescibilité, une durée de vie illimitée – du moins s’ils étaient correctement protégés, car leur haute sensibilité à l’oxydation était l’un de leurs revers majeurs. L’utilisation de profilés en acier laminé à chaud ou profilé à froid, soudés ensemble de manière homogène et sans imperfection, a permis une grande variété de formes. Celle-ci fut encore accrue avec l’émergence de l’aluminium pour les châssis de fenêtre.

Les châssis de fenêtre en aluminium représentèrent une véritable innovation d’après-guerre. Même si la production industrielle de l’aluminium remonte au 19me siècle, son utilisation à des fins architecturales était encore toujours très limitée. C’est surtout la réorganisation de l’industrie militaire et de l’aviation, à la fin de la seconde guerre mondiale, qui permit un transfert de la technologie aux applications dans l’architecture et la construction. Lorsqu’on utilisait le terme aluminium, c’était généralement pour faire référence à un alliage d’aluminium, contenant également de petites quantités d’autres éléments chimiques et d’impuretés. Le Centre belge de documentation et d’information de la construction (CEDOC) a déterminé la composition exacte d’un alliage AlMgSi qui convenait parfaitement à des applications architecturales comme des châssis de fenêtre. Cet alliage contenait non seulement de l’aluminium, du magnésium et du silicium, mais aussi du manganèse, du fer, du cuivre et du zinc.
Même si la résistance à la traction et sa rigidité sont inférieures à celles de l’acier (le module de Young pour l’aluminium est de 70.000N/mm² contre 210.000 N/mm² pour l’acier), l’aluminium était fortement apprécié pour sa masse volumique plus légère (2.700kg/m³ contre 7.800kg/m³). De plus, l’alliage AlMgSi offrait une bonne résistance chimique, mais comme tout contact direct avec du cuivre, du laiton, du plomb et de l’acier l’agressait, les fixations et les quincailleries devaient être réalisées dans d’autres matériaux. Le ciment et la craie laissaient également des taches indélébiles, même si la surface était protégée, par exemple par oxydation anodique. Protégé correctement, l’aluminium n’était pas sujet à la corrosion et était très facile d’entretien, ne devait pas être repeint ni traité régulièrement. Un des avantages principaux de l’aluminium, était son adaptabilité : un nombre illimité de formes était possible, parfois avec un niveau de complexité élevé. Il était possible de créer des éléments creux et tubulaires par extrusion, procédé largement utilisé pour fabriquer des châssis de fenêtre. En 1967, dans son manuel sur les châssis de fenêtre métalliques, J. Wieland souligna le fait que grâce au haut niveau de précision du procédé de production, il était également plus facile d’incorporer un profilé d’étanchéité plastique (ex. néoprène) et de créer des rupteurs de pont thermique, de manière à vaincre la conductivité thermique élevée de l’aluminium.

Très vite après leur introduction dans l’architecture belge (les premières publicités apparurent dans la presse architecturale en 1947), les châssis de fenêtre en aluminium furent utilisés à grande échelle. Malgré son prix (légèrement) supérieur à celui de l’acier, l’aluminium fut utilisé à différentes fins : châssis de porte et fenêtre, murs-rideaux, couvertures de toit, revêtement de façade, éléments structurels, etc. En 1957, la production mondiale de l’aluminium était passée de 264.000 tonnes en 1930 à 3.300.000 tonnes. La même année, le premier exemple emblématique de l’architecture aluminium belge fut achevé : le siège central de la Prévoyance Sociale à Saint-Josse-ten-Noode de l’architecte Hugo Van Kuyck. La façade de l’immeuble fut produite par deux entreprises métallurgiques belges majeures : La Brugeoise & Nivelles, qui se chargea de l’ossature aluminium de la façade, et Chamebel pour les fenêtres. En 1958, l’Exposition universelle de Bruxelles représenta un autre moment fort pour l’aluminium dans l’histoire de l’architecture belge, avec des applications dans des dizaines de pavillons, en ce compris le revêtement du symbole de l’exposition universelle, l’Atomium.

 

 

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Si on observe les 150 publicités de châssis de fenêtre apparues dans la presse architecturale entre 1945 et 1970, l’aluminium était clairement en plein essor : il est en effet mentionné explicitement dans près de la moitié des publicités. L’acier jouissait encore d’une grande popularité aussi, cité une fois sur quatre environ. Mentionnés dans un cas sur 10, voire moins, citons dans l’ordre décroissant le bronze, le bois, l’acier inoxydable, le fer forgé et enfin le cuivre. Cependant, un rapport de recherche du CSTC datant de 1970 sur la résistance à l’eau et aux intempéries des châssis de fenêtre donne une autre image. Si on part du principe que le CSTC a testé les types de châssis le plus utilisés, le bois semble encore largement dominant : 38 châssis de fenêtre en bois ont été soumis à des tests, ainsi que trois châssis en bois combiné à de l’aluminium, un châssis en aluminium, un en acier, un en PVC et un en plusieurs matériaux combinés (bois, aluminium, acier et plastique). Les détails techniques et fonctionnels des châssis testés étaient parfois poussés : la plupart des châssis testés présentaient deux ou trois feuillures, l’un d’entre eux en comprenait même quatre. Des joints d’étanchéité étaient présents dans 27 des châssis testés pour lutter contre l’infiltration de la pluie et du vent.

protection des châssis de fenêtre métalliques

L’une des exigences majeures des châssis de fenêtre métalliques était une bonne protection contre la pluie, les agents chimiques, etc. Pour protéger les châssis de fenêtre en acier, on appliquait généralement une couche de peinture antirouille en usine et deux couches de peinture de finition après placement. Pour conserver cette protection, il fallait apposer une nouvelle couche de peinture tous les huit à dix ans.
Durant les premières années de l’après-guerre, la métallisation gagna en popularité en tant que protection de l’acier par rapport à la peinture. Après avoir lavé convenablement les éléments en acier et les avoir préparés par sablage, une fine couche de métal fondu (de zinc, généralement) était pulvérisée par-dessus au pistolet. La quantité de métal pulvérisé dépendait du niveau désiré de protection : la norme belge NBN 755 sur la métallisation publiée en 1968 indiquait 250 gr/m² comme minimum, mais généralement on appliquait 600 à 700 gr/m². Une fois la métallisation terminée, les éléments pouvaient être assemblés et peints.
Deux techniques plus anciennes visant à protéger l’acier étaient encore utilisées durant l’après-guerre, mais à une échelle bien moindre : la Parkérisation (également appelée phosphatation) et l’électro-galvanisation. La phosphatation consistait à submerger l’élément dans un bain à haute température avec du phosphate de fer et de manganèse, transformant sa surface en une couche d’oxyde noire, mate et résistante à la rouille. L’électro-galvanisation consistait quant à elle à plonger le châssis en acier dans un bain à haute température avec une solution métallique au travers de laquelle passait un courant électrique, entrainant l’adhérence des particules métalliques (de zinc, généralement) à l’acier.

Pour les châssis de fenêtre en aluminium, d’autres techniques de protection ont été élaborées. La technique la plus efficace et largement utilisée était l’oxydation anodique ou électrolytique, également appelée anodisation. Développée dans les années 1920 et utilisée toujours plus fréquemment après la seconde guerre mondiale, l’anodisation consistait à submerger le châssis dans des bains successifs. Le processus entièrement automatisé d’anodisation de châssis de fenêtre apparait dans un film promotionnel pour Chamebel intitulé « Confort et lumière » (un film de Jan Botermans, produit par Sodefi sous la supervision de G.A. Magnel jr., en 1960 environ). Chamebel avait disposé une série de bains dans lesquels les châssis de fenêtre en aluminium étaient successivement plongés pour être dégraissés, décapés chimiquement, neutralisés, anodisés (dans un bain électrifié par courant direct à faible tension) et, si désiré, colorés (en noir, bronze ou doré). Grâce à la couche anodisée, les châssis de fenêtre en aluminium résistaient très bien à la corrosion atmosphérique. Mais la prudence restait de mise, en particulier durant le placement du châssis de fenêtre, où il fallait veiller à ne pas endommager la couche en la griffant ou en la mettant en contact avec du ciment. Pour garder la protection intacte à long terme, il fallait régulièrement retirer la poussière et la saleté des fenêtres, en les passant à l’eau, par exemple.

murs-rideaux

S’il y a bien un châssis de fenêtre inextricablement lié à l’architecture et aux techniques de construction d’après-guerre, c’est le mur-rideau. Il s’agit d’un système de façade non porteur, posé à l’avant de la structure, qui supportait uniquement son poids propre et transmettait les forces du vent à la structure portante. Les murs-rideaux comportaient généralement de grandes surfaces vitrées et permettaient ainsi de laisser entrer plus de lumière dans l’immeuble. Le cadre du mur-rideau était souvent composé d’éléments rectangulaires creux en aluminium extrudé, entre lesquels des châssis de fenêtre étaient posés. Les fixations et connexions devaient être résistantes aux intempéries et étanches, tout en permettant une dilatation thermique dans toutes les directions. Plusieurs études ont examiné le détaillage et les performances du mur-rideau, par exemple sur le comportement thermique (dans Architecture, 1962, n° 49) et la connexion avec la structure de l’immeuble (dans le journal du CSTC d’octobre 1963). Ce dernier s’était basé sur une brochure publiée par le CIMUR (Comité d’Information pour le Développement des panneaux de façade et des murs-rideaux), fondé en France en 1958 et réunissant les fédérations des négociants en matériaux de construction (acier, bois, ciment-amiante, aluminium et verre) et la fédération des menuisiers.

Malgré l’absence d’une organisation similaire en Belgique, les entreprises belges ont participé au développement du mur-rideau et ont créé leurs propres systèmes. Le premier système belge fut élaboré début des années 1950 : en 1954, Chamebel sortit des publicités relatives à l’Air Terminus Sabena à Bruxelles (situé en face de la Gare centrale), dans lequel son système Wallspan en aluminium avait été mis en œuvre. D’autres exemples célèbres d’application du système Wallspan sont le Centre international Rogier à Saint-Josse-ten-Noode (la Tour Martini, Jacques Cuisinier, 1957-1962, démolie), le bâtiment de l’aéroport national de Zaventem (Maxime Brunfaut, Georges Bontinck et Joseph Moutschen, 1956-1958) et le Centre administratif de la ville d’Anvers (Renaat Braem, 1952-1967). Plusieurs autres entreprises ont suivi l’exemple de Chamebel. Dans un premier temps, les entreprises plus importantes ont commencé à fabriquer des murs-rideaux, comme la Société Métallurgique Enghien-Saint Eloi (qui fit la publicité des murs-rideaux à partir de 1958), Moens & Co (à partir de 1960) et La Brugeoise & Nivelles (à partir de 1961). A partir de 1962, des entreprises plus modestes en firent également la publicité. La terminologie utilisée à l’époque est intéressante : apparemment en quête d’une dénomination propre, Chamebel a d’abord appelé le système Wallspan « verrière » ou « grande paroi vitrée ». Le terme le plus utilisé durant la seconde moitié des années 1950 fut « mur écran », avant que « mur-rideau » ne prenne largement le relai en Belgique début des années 1960. Le mur-rideau était principalement mis en œuvre dans les tours, immeubles de bureaux et édifices publics. Dans les immeubles résidentiels, des encadrements de fenêtres plus modestes étaient préférés aux murs-rideaux purs et durs.

 

littérature technique et commerciale

A quelques exceptions près, les journaux d’architecture d’après-guerre se montraient généralement plutôt parcimonieux en informations techniques, détails et propriétés physiques pour les châssis de fenêtre. En témoignent les trois numéros semi-thématiques consacrés à l’aluminium dans Bouwen en Wonen (1957, n° 12; 1960, n° 4; 1960, n° 8), qui ne reprennent pour ainsi dire aucune information technique ou scientifique. Par contre, le rapport de recherche du CSTC n°13 de 1970 déjà mentionné plus haut parlait des caractéristiques fonctionnelles et de l’étanchéité des châssis de fenêtre. Le rapport se basait sur l’essai de plusieurs châssis de fenêtre effectué dans le laboratoire du CSTC à Limelette. Les résultats des essais ne furent toutefois guère positifs : peu de châssis satisfirent aux exigences fonctionnelles reprises dans les Spécifications Techniques Unifiées STS 36 publié en 1965. Les problèmes les plus récurrents étaient la faiblesse des coupes transversales et des coins, les charnières et les serrures, les bandes d’étanchéité, les feuillures, les parcloses, les drains et l’imprécision de la fabrication ou de l’assemblage. Le CSTC conclut en outre que les fabricants n’avaient jusque-là tenu aucunement compte ou presque des lois en matière d’étanchéité au vent et à l’eau, pour autant qu’ils en fussent au courant.
Les brochures, catalogues et publicités des fabricants contenaient eux aussi vraiment peu d’informations techniques. Dans de rares cas, on retrouve des indications de valeurs numériques de la résistance à la traction ou à la flexion, du poids ou de la conductivité thermique.

entreprises et usines

Les entreprises impliquées dans la production et l’installation de châssis de fenêtre sont très diverses. On y retrouve les plus grandes usines métallurgiques belges, de grandes entreprises internationales, mais aussi de petites entreprises locales (familiales), des ferronniers aux menuisiers. La plupart des entreprises étaient spécialisées dans un matériau, sauf en ce qui concerne les métaux : les châssis de fenêtre en acier, aluminium et même en bronze et en acier inoxydable étaient souvent fabriqués dans la même entreprise.

Si on analyse de plus près les journaux d’architecture et les brochures d’entreprise d’après-guerre (certaines d’entre elles n’étant toutefois pas datées) qui sont conservés dans les Archives d’Architecture Moderne, on recense plus de 60 entreprises liées aux châssis de fenêtre. Le plus grand groupe était clairement formé par celles qui produisaient et installaient les châssis de fenêtre métalliques. Seules quelques-unes de ces entreprises produisaient des châssis en bois, PVC ou recouraient à une combinaison de plusieurs matériaux. D’ailleurs, un petit nombre d’entreprises se concentraient moins sur le matériau que sur les applications ou les composants spécifiques, comme les vitrines de magasin, les cloisons de séparation ou les quincailleries.  

Si on observe d’encore plus près les fabricants de châssis de fenêtre métalliques, plusieurs d’entre eux ont accordé une attention particulière aux détails techniques, comme Tantôt, Francotte, La Brugeoise & Nivelles et Chamebel. Ainsi, les Ateliers Tantôt Frères se sont concentrés sur l’étanchéité à l’eau : en 1950 déjà, leurs châssis de fenêtre comptaient une feuillure double ou triple. L’entreprise, créée en 1870 et fusionnée au début des années 1950 pour former Les Ateliers Tantôt Menzel Réunies, a également commercialisé le Joint Métal Tantôt JMT. C’était une bande métallique avec un joint d’étanchéité à appliquer sur des châssis de fenêtre en bois pour les fermer hermétiquement.
Joseph Francotte (dont l’entreprise fut également appelée S.A. J. Francotte & Co, Francochass, ou encore SaFraCo) accordait beaucoup d’attention aux règlementations et prescriptions officielles. C’était l’une des rares entreprises à indiquer dans leur documentation que leurs châssis satisfaisaient aux Spécifications Techniques Unifiées STS 36 de 1965, que leurs murs-rideaux étaient calculés pour des charges de vent telles que décrites dans la norme NBN 460.01 (publié en juillet 1960) et que leur processus d’anodisation correspondait aux exigences de qualité de l’Association européenne de l’aluminium (EWAA).
La Brugeoise & Nivelles (BN) naquit en 1956 de la fusion de deux grandes entreprises métallurgiques. BN était connue principalement pour ses wagons de chemins de fer et ses machines industrielles. Compte tenu de toute l’expérience et des équipements techniques qu’ils comptaient dans leurs murs, il n’y a rien d’étonnant à ce que BN et son département Fametal aient également développé une gamme entière d’éléments de fenêtres en acier et en aluminium et un système de mur-rideau qui satisfaisaient à toutes les prescriptions et règlementations de l’époque. On leur doit quelques-unes des plus célèbres façades métalliques d’après-guerre à Bruxelles, comme la Tour Madou à Saint-Josse-ten-Noode (Robert Goffaux, 1963-1965) et la Cité Administrative de l’État à Bruxelles (Hugo Van Kuyck, Marcel Lambrichs et al, 1958-1968).

 

 

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Fondée en 1933, Chamebel (CHAssis MÉtalliques BELges) est l’une des plus anciennes usines de châssis de fenêtre métalliques de Belgique. A en croire une brochure datant de 1937, c’était la seule entreprise belge équipée pour fabriquer des châssis de porte et de fenêtre en acier, ce qui lui a permis de fournir les trois quarts des châssis en aciers posés en Belgique à l’époque. Les produits principaux de l’entreprise durant l’après-guerre étaient les châssis de fenêtre et de porte, murs-rideaux, revêtements de façade et éléments de toiture en acier et aluminium. L’entreprise située à Vilvorde possédait son propre service de conception, son département de recherche, ses laboratoires et ses bancs d’essai et employait plus de 1.000 personnes vers 1960. Alors que la production de l’entre-deux-guerres était principalement en acier, Chamebel a commencé à utiliser l’aluminium directement après la seconde guerre mondiale. En 1944, ils indiquèrent que le nouvel élément creux en aluminium de 36mm offrait une résistance à la flexion et à la torsion supérieure à celle des éléments laminés et pliés habituels de 36 et 45 mm.
Dans un catalogue d’entreprise (vers 1960), Chamebel décrivit en détail le processus de production et d’installation des châssis de fenêtre en aluminium comme en acier, tout comme celui d’autres produits populaires comme le système Wallspan. Les éléments en aluminium, créés par extrusion, étaient soudés électriquement, anodisés et polis mécaniquement. Pour les châssis de fenêtre fixes, de simples profilés étaient généralement utilisés, alors que les châssis ouvrants étaient composés d’éléments creux et tubulaires. Sur le chantier, les châssis en aluminium (emballés dans du plastique pour les protéger des taches) étaient montés dans les baies des maçonneries : les fenêtres à battants nécessitaient une feuillure dans la maçonnerie de 5 cm, tandis que les fenêtres à guillotine verticale nécessitaient 10 à 12 cm. L’interstice était rempli de mortier et d’un joint bitumeux, après quoi une ligne de mastic était posée. Les bords des parois vitrées étaient scellés avec du mastic et généralement une parclose. Des parois vitrées de 3 à 25 mm pouvaient être incorporées dans la plupart des éléments standardisés. Les deux séries principales de cette époque étaient le M45 et le T50 : comparativement à l’élément de 1944, non seulement la coupe transversale est passée de 36 mm à 45 ou 50 mm, mais il y a aussi bien plus de détails compliqués. Chaque série se composait d’environ 20 profilés standardisés (parcloses et connexions comprises) permettant de créer tous types de fenêtres (à battants, pivotante, coulissante, etc.). Les profilés de la série M45 avaient 2 mm d’épaisseur, une double feuillure et étaient conçus pour du simple vitrage de maximum 9 mm d’épaisseur. La série T50, conçue pour le double vitrage, était plus avancée : composés de profilés en aluminium de 2 ou 2,5 mm d’épaisseur, les châssis pouvaient être plus grands et les feuillures étaient rainurées pour accueillir un joint d’étanchéité en plastique.
Quant aux châssis de fenêtre en acier, leur processus de fabrication et d’installation n’était pas très différent. L’acier était protégé par un processus de métallisation, une Parkérisation ou une couche de peinture. Les séries standards avaient 25 ou 36 mm de haut et nettement moins de détails que la série en aluminium. Ces séries suffisaient pour des fenêtres de 0,75 m² ; pour de plus grandes fenêtres, il fallait renforcer les coupes transversales d’un profilé supplémentaire.
Dans la longue liste de réalisations de Chamebel, on retrouve de nombreux emblèmes architecturaux bruxellois, comme l’immeuble Postchèque (Victor Bourgeois, 1937-1946), la Banque Nationale (Marcel Van Goethem, 1946-1954), l’auditoire Emile Janson de l’ULB (Marcel Van Goethem, 1956), les complexes de logements du Foyer bruxellois de la Rue Haute, de la Rue du Meiboom et de la Rue des Tanneurs (respectivement par Charles Van Nueten, Henri Jacobs et J.M. Morant, entre 1955 et 1957), l’Hôtel Westbury (Robert Goffaux, 1962-1963) et la Tour du Midi (Yvan Blomme et al., 1961-1966).

applications à Bruxelles

Parmi les quelque 160 articles qui traitaient des maisons d’après-guerre bruxelloises tout en indiquant les matériaux utilisés, un sur quatre faisait référence à des châssis de fenêtre. A part le type de fenêtre ou le matériau utilisé, il y avait peu de détails concernant les techniques ou les formes. Ainsi, il n’y avait aucune mention du nombre de feuillures ou de la manière dont les châssis de fenêtre étaient protégés. Quelques entreprises étaient nommées (comme Chamebel et Francotte), ainsi que certains systèmes de fenêtre (Duyver, Techramo et Perspective).

S’il faut bien accepter les limites de ces données et le fait que l’échantillon de 29 cas d’étude, dont quelques détails sont connus, est à peine représentatif, on peut toutefois dégager quelques tendances notables. Globalement, le bois – utilisé dans 15 des cas d’étude -, resta très populaire au cours des années 1950 et 1960. Les essences de bois utilisées étaient l’Iroko ou le Kambala, le pin, le chêne, le teck, l’Afzélia, l’acajou Sipo et le méranti. Le bois était suivi de près par l’aluminium. L’acier était utilisé que dans quelques cas, pareil pour la combinaison de bois (pour les châssis fixes) et métal (pour les éléments ouvrants). On ne retrouve aucune mention du béton, du PVC, du bronze, du cuivre, de l’acier inoxydable ou encore du fer forgé.
Plus remarquable encore que la popularité apparemment similaire du bois et de l’aluminium, c’est la manière dont ces matériaux sont utilisés au fil des ans. Alors que l’aluminium est le plus cité durant les années 1950, un tournant majeur s’opère en 1960, après quoi les châssis en bois sont quasiment les seuls mentionnés. Il est difficile de trouver une explication sensée à cette tendance (peut-être illusoire). Est-ce parce que l’aluminium avait perdu son caractère novateur en 1960 qu’il ne devait plus être mentionné explicitement ? Une affirmation issue d’un cas d’étude laisse penser que l’aluminium était considéré comme un matériau traditionnel dès 1953 : on disait de la maison privée de l’architecte Jean Dumont à Bruxelles qu’elle était la preuve qu’on pouvait réaliser une maison pratique, moderne et esthétique avec des matériaux et des techniques de construction traditionnels ; or, dans ce cas, les matériaux de construction incluaient les châssis de fenêtre en alliage d’aluminium. Autre application assez remarquable de châssis de fenêtre en aluminium : une maison mitoyenne d’Anderlecht, conçue par l’architecte Simon Hermans et publiée en 1960. Les châssis de fenêtre de la façade de rue étaient en aluminium, alors que ceux de la façade arrière étaient en acier. L’auteur n’a pas expliqué cette différence. Peut-être l’aluminium était-il trop cher pour être utilisé partout et était réservé à la façade avant dont l’aspect esthétique était plus important.

Si on ne retrouve aucun exemple d’utilisation de mur-rideau en tant que tel pour les constructions résidentielles dans les journaux précités, on y observe en revanche de grands panneaux de façade dont la hauteur couvrait l’espace entre deux planchers et la largeur celui compris entre deux colonnes ou supports porteurs. Citons par exemple les immeubles à appartements de hauteur moyenne Van Ooteghem d’Evere (Willy Van Der Meeren), Clarté d’Ixelles (J. Van Malderghem) et un immeuble à appartements d’Ixelles (Michel Boelens), publiés respectivement en 1954, 1959 et 1963. A côté de ces exemples, on retrouve aussi relativement souvent des références à des châssis de fenêtre (plus petits) dans lesquels des vitres transparentes étaient combinées à des panneaux (sandwich) opaques du style Glasal.