panneaux de façade en béton préfabriqué

1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975
1945-1950

Après-guerre, les panneaux en béton sont principalement utilisés pour le revêtement des structures portantes.

1950s

Schokbeton est utilisé en Belgique dès le début des années 1950. Ses atouts : durabilité, qualité de finition et prix raisonnable.

1956

Seghers Prefalith Beton, située à Aalter, lance la production de béton architectonique. L’entreprise se positionne comme l’un des principaux producteurs belges.

1960s

Le béton architectonique préfabriqué est à la mode dès les années 1960. Il combine les avantages structurels, fonctionnels, esthétiques et économiques du béton en un élément.

1963

Création de CBR-Ergon, spécialisée dans la production d‘éléments préfabriqués. L’entreprise devient rapidement un des acteurs clés du domaine.

1964

Fondation d’Eurobeton, fabricant majeur de béton architectonique préfabriqué.

1965

L’association professionnelle de l’industrie du béton préfabriqué en Belgique se nomme désormais l’UACB.

1965-1970

L’UACB publie une brochure reprenant des recommandations quant aux techniques de fabrication du béton décoratif.

1970s

L’UACB formule des prescriptions et des recommandations techniques pour le béton préfabriqué.

1972-1976

L’UACB et le CSTC unissent leurs efforts pour effectuer des recherches sur la durabilité des structures existantes en béton architectonique préfabriqué.

1975

Le catalogue de l’UACB reprend 31 fabricants de béton architectonique.

1976

La fédération de l’industrie belge du béton préfabriqué est renommée FeBe.

Le béton préfabriqué était utilisé dans une multitude d’applications pour les façades des bâtiments d’habitation d’après-guerre, par exemple sous forme de petits panneaux fixés à la structure portante, de grands panneaux muraux porteurs, de parapets pour balcons, de panneaux sandwich isolés pour des murs extérieurs, de claustra dans des parois ajourées décoratives, etc. L’immense choix en termes de forme, de composition et de finition de surface explique la grande popularité des éléments en béton préfabriqué. L’avantage économique résultant des délais de construction plus courts et la garantie accrue de qualité due à l’environnement contrôlé en usine (comparativement au béton coulé sur site) ont également largement contribué à leur utilisation croissante. A partir des années 1950, le nombre de producteurs de béton préfabriqué ne cessa d’augmenter, qu’il s’agisse de petites sociétés familiales au chiffre d’affaire limité ou de grandes entreprises disposant de départements d’étude et de recherche totalement équipés et présentes à l’échelle internationale. La modernisation d’après-guerre du secteur de la construction en général fut également notable dans cette partie bien précise de l’industrie, par exemple avec l’utilisation généralisée de nouvelles machines (ex. machines vibrantes ou engins de levage) et l’introduction de nouveaux matériaux. L’accroissement important de la connaissance scientifique et technique, de l’expertise et de la technologie par les fabricants du béton préfabriqué était toutefois souvent contenu dans le cercle privé des entreprises et leurs propres laboratoires de recherche. Ce ne fut qu’à partir des années 1970 que des prescriptions et des recommandations techniques furent formulées par la fédération de l’industrie du béton préfabriqué, anticipant ainsi la première norme officielle NBN B21-601 relative aux éléments architectoniques en béton décoratif, publiée en 1980.

développement de l'industrie du préfabriqué

L’utilisation du béton et du béton armé dans de petits éléments préfabriqués remonte quasiment à l’invention du béton armé moderne au 19me siècle, mais plus particulièrement au début du 20me siècle. Utilisées dans différents domaines d’application, des gammes spécifiques de produits furent élaborées : alors que le développement du réseau routier public et du réseau électrique requérait des conduites, des poteaux d’éclairages et des poteaux électriques, le secteur résidentiel recourait essentiellement aux carrelages, aux blocs de maçonnerie portante en béton et aux éléments de plancher. Durant la première moitié du 20me siècle, le recours aux éléments préfabriqués visibles en façade demeura toutefois exceptionnel, le matériau étant associé à l’époque à un niveau inférieur ou peu esthétique. La « pierre reconstituée », généralement à base de petits granulats de pierre naturelle comme le calcaire et de ciment ou de chaux en guise de liant, fut développée pour trouver une solution à mi-chemin entre le béton préfabriqué et la pierre naturelle. Les avantages financiers et techniques des éléments en béton préfabriqués devinrent néanmoins toujours plus importants et de plus en plus d’entreprises se spécialisèrent dans ce domaine, générant une gamme toujours plus importante de produits. L’année 1936 vit la création de la Chambre Syndicale Belge de l’Industrie des Pierres Reconstituées, qui fut vite rebaptisée Chambre Syndicale des Agglomérés de la Construction. En 1940, l’association fut officiellement reconnue comme une fédération professionnelle. Deux changements de nom importants eurent lieu après la seconde guerre mondiale : en 1965, elle devint l’UACB, Union des Agglomérés de Ciment de Belgique, avant d’œuvrer sous le nom de Febe, Fédération de l’industrie belge du béton préfabriqué, à partir de 1976.

béton apparent dans les habitations

On distingue trois principaux types d’éléments en béton préfabriqué utilisés de manière visible, en façade, dans des bâtiments résidentiels durant l’après-guerre : les panneaux de revêtement, le béton architectonique préfabriqué et les panneaux sandwich. En début d’après-guerre, on recourait principalement à des panneaux de revêtement fixés à la structure portante (murs de briques ou en maçonnerie de béton). Leur taille était souvent modeste (ex. 30 cm x 30 cm, 5 cm d’épaisseur). A partir des années 1960, le béton architectonique préfabriqué devint à la mode, ouvrant la voie à de nouvelles possibilités architecturales, avec des compositions, textures et formes spécifiques. Le béton architectonique préfabriqué fut largement utilisé dans les immeubles de bureaux, mais aussi dans des bâtiments résidentiels, en particulier dans les tours à appartements (ex. pour des panneaux muraux porteurs de la hauteur d’un étage, ou des parapets). A partir des années 1970, le développement de l’industrie du préfabriqué et l’utilisation croissante de matériaux d’isolation thermique permirent aux panneaux sandwich en béton de se développer. Ces panneaux, souvent de la hauteur d’un étage, comprenaient une âme en polystyrène ou en tout autre matériau isolant et étaient utilisés fréquemment pour les murs porteurs de maisons à quatre façades.

Outre ces trois principaux types d’éléments de façade en béton préfabriqué, d’autres produits à but explicitement décoratif étaient également utilisés, comme les claustras et les blocs de béton décoratifs. Les claustras, petits éléments préfabriqués ajourés présentant des motifs géométriques divers, étaient utilisées pour créer des parois ou des clôtures à ouvertures ou des accents décoratifs. Les blocs décoratifs étaient de petite taille, comme des briques de façade, et bénéficiaient d’une finition de surface particulière sur le côté (ex. lavée, brute ou clivée).

panneaux de revêtement

Durant les premières années de l’après-guerre, des panneaux de béton préfabriqué furent utilisés pour habiller les murs porteurs et les ossatures. Au cours des années 1950, le domaine d’application n’eut de cesse de s’étendre et les possibilités de se multiplier, avec différents traitements de surface, plusieurs choix de granulats et de ciment coloré et divers types de joint et de connexion. Le Centre scientifique et technique de la construction (CSTC) consacra un article à ce développement dans l’édition de juin 1964 de son journal, soulignant avant toute chose la variété des panneaux de revêtement en béton préfabriqué. Généralement, les panneaux présentaient une superficie maximale de 0,1 m² ou ne mesuraient pas plus d’1 m de large ou de 5 cm d’épaisseur. Ces dimensions étaient calculées pour obtenir un poids d’environ 50 kg, de manière à permettre à deux ouvriers de soulever un panneau. Ce dernier se composait souvent de deux couches consécutives de béton : une couche de base et une couche de surface ou de finition extérieure, coulées relativement vite l’une après l’autre pour assurer la cohésion entre elles. La composition de la couche de surface était plus spéciale et onéreuse que celle de la couche de base en béton normal.
Pour fixer les panneaux à la structure, plusieurs types d’ancrage (métallique), d’attaches ou de pinces étaient utilisés, du même type que ceux utilisés pour fixer des panneaux en pierre naturelle. Il était déconseillé d’utiliser des ancrages fixés au préalable aux panneaux du fait de leur vulnérabilité au cours du transport. Pour les murs en maçonnerie, un moyen de fixation populaire consistait à planter un ancrage métallique dans le mur de brique avec un fil de cuivre et à le glisser ensuite dans des rainures prévues dans les panneaux en béton. Pour les murs en béton coulé sur place, des rails spéciaux destinés aux ancrages pouvaient être coulés dans le mur. Il était recommandé de créer un creux d’environ 2 cm entre la structure portante et les panneaux. Un nombre suffisant d’ancrages devaient être prévus afin de garantir une surface plane tout au long du mur. Une autre option consistait à utiliser des panneaux à arêtes renforcées épaissies, qui étaient incorporées dans la structure portante lors de son érection, générant ainsi une connexion solide.
Les joints horizontaux entre les panneaux étaient généralement remplis de mortier et/ou de mastic. Pour les joints verticaux, en particulier pour les panneaux un peu plus larges, plusieurs autres options furent élaborées. Si les panneaux avaient une rainure ou un creux sur le côté, ce creux pouvait être rempli de mortier fin. Les joints pouvaient également être ouverts, avec un scellant élastique au fond du joint. Les plus utilisés étaient des caoutchoucs synthétiques comme le Thiokol (à base de dichloroéthane et de polysulfure de sodium), le néoprène (chloroprène polymérisé) et le Butyl (un copolymère d’isobutylène et d’isoprène). Une troisième possibilité, quoique moins utilisée, reposait sur des éléments de connexion métalliques, comme des brides de connexion ou des profilés d’étanchéité expansés avec des bandes de recouvrement et des griffes de serrage, souvent complétés par un scellant élastique.

En pratique, ce sont surtout les panneaux en béton lavé et les panneaux plats, dans une couleur grise ou beige simple, qui étaient utilisés. Pour les panneaux dont les granulats étaient visibles (ex. gravier roulé ou silex), une technique simple consistait à remplir le moule d’une couche de sable avant d’y couler le béton : en brossant la surface après démoulage, on pouvait apercevoir les granulats. Comparativement aux panneaux en béton lavé avec des granulats visibles, les panneaux plats étaient plus sensibles à l’infiltration de l’eau, à la pollution et aux dégâts, entre autres. Pour surmonter les problèmes de ce genre avec des panneaux plats, un béton très compact pouvait être utilisé, comme celui élaboré par l’entreprise néerlandaise Schokbeton.
Le Schokbeton, un nouveau type de béton préfabriqué fut inventé en Hollande en 1931. Le coffrage était fixé sur une table vibrante spéciale et était intensément secoué pendant qu’on le remplissait de béton. Ce procédé permettait de compacter rapidement et efficacement la matière, donnant naissance à un élément exceptionnellement durable, rigide et fin (et donc économique). Le procédé de production garantissait une exécution de qualité et une surface parfaite. Le cas échéant, les éléments pouvaient bénéficier d’un traitement supplémentaire de surface en usine, comme un sablage ou un rinçage à l’acide. L’inconvénient majeur était qu’un outillage lourd était nécessaire ; du coup, la technique était hors de portée des petits entrepreneurs. Cependant, ces derniers pouvaient commander les éléments à l’usine néerlandaise de Schokbeton à Zwijndrecht. Au cours de l’après-guerre, Schokbeton fut utilisé dans beaucoup de pays européens (entre autres la Belgique, la France, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie et la Finlande), mais aussi en Afrique, en Asie et aux États-Unis.
En Belgique, Schokbeton fut utilisé à partir des années 1950 : la durabilité garantie et la qualité de la finition pour des prix raisonnables convainquirent de nombreux architectes de l’utiliser pour les panneaux d’habillage, mais aussi pour les encadrements de fenêtres, les escaliers, les parapets, etc. Il fut utilisé dans certains grands projets de logements sociaux belges des années 1950, comme par exemple à Anvers (Jan de Voslei, Jos Smolderen et Rik Maes, 1950-1965 ; Luchtbal, Hugo Van Kuyck, 1954-1956 et 1960-1962) et Liège (Angleur, 1954-1979 et Plaine de Droixhe, 1954-1979 – tous deux du Groupe EGAU). Le bloc à appartements de Ganshoren créé par les architectes Gaston Brunfaut et Albert Van den Bossche (1959) à la demande de la société de logement Les villas de Ganshoren recourut également à Schokbeton pour les grands encadrements de fenêtre préfabriqués. C’est alors qu’on assista à une évolution des tendances, passant de panneaux de revêtement relativement petits et simples à des éléments préfabriqués de la hauteur d’un étage et définissant la disposition architecturale de la façade.

béton architectonique préfabriqué

Le béton architectonique préfabriqué, populaire à partir des années 1960, combinait les avantages structurels, fonctionnels, esthétiques et économiques du béton en un seul élément, qui pouvait être conçu de différentes façons. Des panneaux plans et des formes courbées étaient possibles, et les surfaces pouvaient être texturées (relief ou impressions, polissage, sablage, etc.). Les possibilités formelles et tridimensionnelles du béton architectonique préfabriqué furent particulièrement exploitées dans les immeubles de bureaux, comme les bureaux bruxellois des banques BBL (aujourd’hui ING, Gordon Bunshaft, 1959-1965) et CGER (aujourd’hui BNP Paribas, Marcel Lambrichs, 1973-1974) ou encore le siège central de CBR à Watermael-Boitsfort (Constantin Brodzki, 1967-1970) pour ne citer qu’eux. En revanche, pour les projets de logements, dont la fonction de prestige et le budget financier étaient souvent bien inférieurs, le béton architectonique préfabriqué était moins utilisé, et s’il l’était, c’était moins pour les possibilités formelles qu’il offrait que pour l’esthétique de ses finitions en surface. Les éléments en béton architectonique préfabriqué que l’on retrouvait le plus souvent dans les logements étaient des encadrements, des panneaux solides et des parapets. Les éléments préfabriqués étaient généralement modulables : pour les largeurs, le module de 30 cm était principalement utilisé, alors que pour les hauteurs, les éléments étaient généralement dimensionnés en mesurant la distance de plancher à plancher. Si les éléments de façade en béton étaient conçus en forme d’encadrements de fenêtre, le vitrage pouvait y être incorporé en usine.
Les joints et connexions étaient élaborés de différentes façons. Ainsi, les éléments pouvaient être fixés à l’aide de barres d’armature protubérantes, après quoi le joint était comblé de béton coulé sur place. Les barres d’armature pouvaient aussi être connectées à l’armature de l’ossature, coulée sur place, de manière à ce que les éléments de façade fissent office de coffrage perdu. Les éléments de façade non porteurs étaient également suspendus à des ancrages ajustables en acier inoxydable. Les joints pouvaient être « ouverts » (avec un scellant au fond du joint) ou « fermés » (avec du mortier ou un scellant proche de la surface). L’UACB, dans un manuel technique sur le béton architectonique préfabriqué de 1973, recommandait le Thiokol pour des joints hydrofuges. Les joints avaient généralement entre 6 e 18 mm de large.

panneaux sandwich

A partir de la fin des années 1960, le béton préfabriqué fut de plus en plus utilisé pour de grands panneaux de façade porteurs, de la hauteur d’un étage, destinés à des tours à appartements et à des logements à basse hauteur. Les panneaux dans lesquels des baies de fenêtre et de porte étaient prédécoupées et des conduites parfois intégrées se composaient de plus en plus de différentes couches : pas uniquement une couche de finition supplémentaire à l’extérieur, mais aussi un creux intérieur, rempli ou non de matériau d’isolation. Cette dernière option se présenta de plus en plus souvent, surtout au lendemain de la crise pétrolière.

L’émergence des panneaux en béton préfabriqué s’explique notamment par le soutien du gouvernement : le béton préfabriqué était encouragé par le ministère du logement et les sociétés de logement de service public du fait de la vitesse de construction et des bénéfices financiers qui allaient de pair. Entre 1965 et 1970, on assista à plusieurs chantiers de construction modestes de 20 à 40 maisons construites en béton préfabriqué. En 1965, un complexe de logements fut construit à Orcq, comprenant 20 maisons dont les murs porteurs étaient en béton préfabriqué et comprenaient une incrustation de briques. Les panneaux étaient préfabriqués par la société française Camus-Nord, laquelle avait élaboré une ligne de production spéciale pour les logements de faible hauteur. Ensuite, plusieurs entreprises belges expérimentées en panneaux de béton préfabriqué se lancèrent dans le domaine de la préfabrication d’éléments destinés à la réalisation de complexes de logements sociaux à petite échelle. A titre d’exemple, prenons le partenariat Industrialisation Belge du Bâtiment (complexes à Gembloux, Waterloo et Clabecq), Van de Kerckhove’s Prefa (complexes à Sint-Lievens-Houtem et Zelzate) et Delmulle (complexes à Torhout et Lamain). Les résultats furent plus ou moins identiques : outre une réduction des coûts de 10 à 15%, le délai de construction fut ramené à la moitié, voire au tiers du délai proposé avec des techniques de construction traditionnelles. Dans la plupart des cas, les panneaux comprenaient une incrustation de briques : des briques étaient disposées dans le fond du coffrage et tenaient les unes aux autres grâce à la couche de béton coulée par-dessus ensuite. Si ce type de panneau demandait plus de main-d’œuvre et était plus onéreux que son homologue en béton plein, il avait le mérite de présenter une nouvelle technique de construction avec un aspect traditionnel.

Plusieurs types de panneaux sandwich en béton préfabriqué furent montrés aux Villages-expos de maisons témoins à Mouscron, Limal et Heist entre 1970 et 1973. Ces Villages-expos étaient érigés comme un « living lab avant-la-lettre », sous la supervision des sociétés de logement et d’instituts de recherche comme le CSTC. Beaucoup d’importance fut accordée aux qualités techniques des systèmes de construction. Les offres étaient étudiées minutieusement à l’avance et plusieurs inspections et mesures étaient effectuées pendant et après la construction. Les Villages-expos constituent un moyen parfait d’évaluer la variété de panneaux sandwich en béton préfabriqué disponibles sur le marché à cette époque. A Mouscron, où le Village-expo était organisé par l’Union des Entrepreneurs-Constructeurs à système et non par une société de logement, neuf entreprises de construction ont bâti 20 maisons au total. Quatorze d’entre elles furent construites en murs creux porteurs en béton préfabriqués. Ces murs creux se composaient d’une paroi intérieure en béton (en béton Argex ou en béton classique, enduit ou non) et d’une paroi extérieure soit en demi-brique soit en béton (béton classique ou micro-béton, finition par incrustation de briques, plâtre, granulats de pierres blanches visibles ou impressions du coffrage texturé). Le vide entre la paroi intérieure et extérieure était ventilé ou isolé. Le Village-expo de Limal était plus important (178 maisons construites par 18 entreprises suivant 63 systèmes différents), mais une fois encore plus de la moitié des maisons furent construites avec des murs porteurs en béton préfabriqué. Il y avait des murs simples (en béton léger Ytong ou Argex, éventuellement complété d’une couche de polystyrène et d’un panneau de plâtre), mais la majorité des entrepreneurs recouraient aux murs creux. La composition de ces murs creux était plus ou moins similaire à celle des murs des logements présentés à Mouscron : béton classique ou Argex pour le pan intérieur, une âme de polystyrène ou tout autre matériau isolant, et un mur en demi-brique ou du béton avec incrustation de briques, des silex lavés ou tout autre granulat visible pour le pan extérieur. A Heist enfin, où 106 maisons témoins avaient été construites par huit entreprises, les murs creux en béton préfabriqué porteur et avec une âme isolante dominaient également.

fabricants d'éléments de façade en béton

Outre les entreprises impliquées dans la construction de Villages-expos (comme Delmulle, Elbeko, Declerck en Zonen, Rhodius-Deville, R. Maes, Roosen, Caroni-Lecomte, Van Den Bogerd-Elst, Van De Kerckhove’s Prefa, Usidour et Koramic), plusieurs autres sociétés belges produisirent également des panneaux de façade en béton architectonique (pas nécessairement avec l’ensemble de la maison « derrière ») pendant les années 1960 et 1970. En 1975, le catalogue de l’UACB présenta 31 fabricants d’encadrements de façade, de parapets et de panneaux plats en béton architectonique. Parmi les acteurs-clés sur le marché, citons les Briqueteries Mécaniques Anversoises, CBR-Ergon, Eurobeton, Marbra-Lys, Seghers Prefalith Beton et Kunststeenfabriek Vandewalle. La plupart de ces entreprises s’étaient diversifiées, ce qui signifie qu’elles avaient toutes choisi d’offrir la gamme la plus vaste possible de produits plutôt que de se concentrer sur un style ou élément particulier. Il ressort du catalogue de 1975 que la plupart des entreprises produisaient des panneaux porteurs comme non porteurs, à simple paroi ou panneau sandwich, avec ou sans âme isolante. Les quatre principales options de surface du béton étaient lisse, lavée, rincée à l’acide ou sablée. Les fabricants proposaient également des variations en matière de connexion et de détails, ainsi qu’au niveau de la composition chimique. Des adjuvants et additifs tels que plastifiants, accélérateurs ou retardateurs de prise, agents bullants, pigments colorants, fibres de verre, etc. permettaient de jouer sur la solidité, l’isolation thermique et acoustique, le poids, la couleur, la texture, voire même la transparence du matériau. D’innombrables types de panneaux de béton naquirent de (petites) variations au niveau des matériaux, de la forme, des proportions et des techniques. Dans la littérature commerciale, l’industrie soulignait explicitement l’infinité des choix.

L’entreprise Briqueteries Mécaniques Anversoises n’était pas vraiment spécialisée en béton, mais plutôt dans les briques. Néanmoins, l’entreprise produisit un panneau composite Pandal, combinant des briques avec du béton : l’âme était composée de blocs de maçonnerie et enveloppée dans du béton précontraint. Les panneaux résistaient à des forces de compression pouvant atteindre 34,32 N/mm² et leur âme creuse leur donnait une bonne capacité isolante comparée à celle des panneaux de béton classique (1,63 W/m²K). La surface extérieure pouvait être réalisée en béton blanc à surface lisse ou avec des granulats de silex visibles. Les panneaux mesuraient généralement 4,5 ou 6 m de large (10 m maximum), 60 cm de haut et 12 cm d’épaisseur et pesaient 165 kg/m². Ces panneaux avaient pour particularité qu’ils pouvaient être démontés et réutilisés : ils étaient généralement superposés les uns sur les autres (par système de rainure et languette) et fixés à une ossature d’acier, de béton ou de bois avec des crochets réversibles en acier galvanisé. Une autre option consistait à les glisser dans des colonnes profilées et remplir les joints de mortier, mais aucun démontage ultérieur n’était possible dans ce cas.

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CBR-Ergon était une filiale de la cimenterie CBR et produisait des éléments en béton préfabriqué. Malgré que CBR-Ergon se fût principalement concentrée sur des produits structurels standardisés comme les poutres, colonnes et hourdis, quasiment directement après sa création en 1963, elle lança une ligne de recherche et de production pour les éléments de façades en béton décoratif et architectonique. La recherche se concentra sur la composition du mélange, le compactage du béton, le coffrage, la texture et la finition des éléments. Avec quelques immeubles de bureaux remarquables en béton architectonique conçus en collaboration avec l’architecte Constantin Brodzki, CBR-Ergon devint l’un des acteurs-clés dans ce domaine. Les réalisations les plus marquantes de CBR-Ergon sont davantage observées dans les immeubles de bureaux que dans les immeubles résidentiels.

Fondée en 1964 à Massenhoven, Eurobeton devint un fabricant majeur de béton architectonique préfabriqué. La gamme se composait principalement d’éléments d’encadrement, de parapets et de panneaux plats pour des bureaux, des bâtiments publics etc. Pour la production, Eurobeton utilisait des coffrages en bois comme en métal, fixés à des tables vibrantes, ainsi que des coffrages mobiles en plastique et en métal.

Marbra-Lys, fondé à Courtrai en 1913, était à l’origine un fournisseur de matériaux de construction. Au cours des années 1950, l’entreprise déménagea à Harelbeke, et l’accent fut mis sur la production industrielle de carrelages, claustras et escaliers en mosaïque de marbre, pierre artificielle et marbre artificiel Marbralyth. A partir des années 1960, des éléments de façade furent également produits en béton architectonique, en particulier pour des applications dans des immeubles de bureaux ou à appartements. Le béton architectonique était préfabriqué dans un hangar de production de 150 m de long, qui comprenait aussi des installations pour vibrer et étuver le béton. A la fin des années 1990, l’entreprise Decomo à Mouscron reprit le département de Marbra-Lys destiné au béton architectonique.

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Seghers Prefalith Beton, à Aalter, lança la production de béton architectonique en 1956. L’acquisition de nouveaux sites en 1967-1968 à Aalter coïncida avec une expansion considérable, comprenant de nouvelles unités de production de béton architectonique et de béton fibré dotées d’un équipement scientifique et industriel avancé. L’entreprise devint l’un des plus importants producteurs de béton architectonique de Belgique et exporta également vers la Hollande et la France. La ligne de production du béton architectonique était organisée selon un cycle de production de 24h. Le coffrage était rempli par un mélangeur automatique. Une fois compactés sur les tables vibrantes, les éléments étaient transportés dans un tunnel de climatisation pour durcir. Au bout du tunnel, les éléments étaient démoulés et subissaient un traitement de surface. L’entreprise publiait ses propres cahiers des charges, avec des recommandations spécifiques pour le béton architectonique préfabriqué relatives à l’isolation, aux joints, aux connexions, aux ancrages, au traitement de surface et à la réalisation d’un prototype. Le panneau de façade type en béton architectonique préfabriqué se composait de deux couches : une couche décorative de minimum 10 mm coulée en premier lieu (avec du quartz ou du porphyre roulé ou écrasé), suivie d’une couche de béton normal. Il mesurait 7 cm d’épaisseur et jusqu’à 2,5 m de long ; pour les panneaux plus grands, des rainures ou arêtes de renforcement devaient être fournies. Seghers Prefalith Beton fabriquait également des panneaux sandwich, avec un panneau de béton décoratif de 5 cm, 2 ou 3 cm de polystyrène et 5 cm de béton léger. Ces panneaux (isolants) étaient utilisés pour construire des immeubles de bureaux, des immeubles résidentiels et des bâtiments publics comme des écoles ou des centres administratifs communaux. En 1985, l’entreprise fut reprise par Loveld à Aalter.   

L’entreprise Kunststeenfabriek Vandewalle, spécialisée dans la pierre artificielle, fut fondée en 1960 à Roeselare par la famille qui avait déjà fondé une usine de carrelage en 1920. La gamme de produits de Vandewalle passa d’éléments décoratifs en pierre artificielle relativement petits à des éléments porteurs, de haute qualité et parfaitement finis atteignant une hauteur de plancher à plancher. Parmi ses produits, il y avait le Quartzolite, un type particulier de béton à base de quartz naturel, qui résistait à l’eau et au gel. Quartzolite était utilisé pour les panneaux de revêtement de façade (généralement 4 cm d’épaisseur), les seuils, les encadrements de porte et les pierres de faîte, entre autres.

recommandations techniques

Si le marché du béton architectonique préfabriqué et des panneaux en béton préfabriqué était florissant durant la seconde moitié des années 1960, un manque de connaissance scientifique et de règlementation officielle relative à la conception, à la production, au calcul et à la mise en œuvre de ces éléments se faisait également sentir. A la fin des années 1960, l’association professionnelle UACB publia une brochure – en anticipation d’une norme ou règlementation officielle qui n’allait venir qu’en 1980 -, intitulée Recommandations techniques pour la fabrication de béton décoratif. Cette brochure, éditée avec l’aide de plusieurs entreprises (Agref, Blocbeton, Bétons de Callenelle, Balency, Cimarmé, CBR, Dauchot, Dura, Fixolite, Industrialisation Belge du Bâtiment, Jo, Marbra-Lys, Prefalith, Torfs, Van Thuyne), suggérait que l’épaisseur de la couche extérieure du béton décoratif devait au moins mesurer 10 mm et la couche de béton recouvrant l’armature au moins 15 à 20 mm. D’autres recommandations faisaient état d’une résistance à la compression minimale de 34,32N/mm² et d’une épaisseur minimale des joints de 10 mm.

Au cours des années 1970, le Cahier général des charges pour travaux de construction privés (édité conjointement par le CSTC, la Fédération royale des sociétés d’architectes de Belgique FAB et la Confédération nationale de la construction CNC) apporta de nouvelles informations sur les éléments de façade préfabriqués. Dans l’édition de 1970, il n’est pas fait référence à ces éléments dans le chapitre consacré aux constructions en béton. Le chapitre relatif à la maçonnerie et à l’habillage de façade contenait quant à lui un paragraphe sur les éléments préfabriqués en béton décoratif pour l’habillage des façades, qui faisait référence à de petits éléments présentant une composition ou une finition de surface spéciale comme du béton préfabriqué recouvert d’un matériau décoratif, destiné à être attaché à la structure portante. Pour l’épaisseur de la couche supérieure en béton décoratif, la couverture des armatures et la résistance à la compression, les recommandations étaient les mêmes que celles reprises dans la brochure de l’UACB. En outre, le Cahier général des charges prescrivait d’utiliser des accessoires métalliques (ancrages, etc.) en acier galvanisé, acier inoxydable, fer forgé, cuivre ou aluminium. Idéalement, les joints devaient avoir 8 mm de large ; en outre, il était recommandé de prévoir des joints souples mesurant 10 mm de large tous les trois étages (à l’horizontale) et tous les 20 m (à la verticale). Ces joints souples pouvaient être réalisés sous forme de garniture bitumineuse, d’un produit de scellement expansé, d’une bande de recouvrement en acier inoxydable ou en plastique, ou encore d’adhésif approprié.
L’édition de 1978 fut enrichie d’un nouveau paragraphe de neuf pages dans le chapitre relatif aux constructions en béton portant sur des éléments préfabriqués en béton architectonique et s’appliquant à de grands éléments décoratifs, porteurs ou non. Ce paragraphe reprenait des prescriptions relatives à la forme, aux mesures, à l’apparence, aux aspects constructifs, aux joints, au transport, au montage, etc. En général, ces prescriptions étaient plus strictes que celles qui visaient les éléments de petite taille et non porteurs de l’édition précédente : la couche supérieure décorative devait à présent présenter une épaisseur minimale de 20 mm et la couverture de l’armature ne devait pas avoir moins de 20 à 35 mm d’épaisseur. L’édition de 1978 du Cahier des charges instaura également le code MUREG, dans lequel chaque majuscule représentait un paramètre particulier (M = tolérance dimensionnelle, U = apparence, R = résistance caractéristique à la compression, E = absorption de l’eau, G = résistance au gel). Les cinq majuscules, suivis des indices qualifiant a, b ou c, formaient un code permettant de caractériser chaque élément en béton préfabriqué selon ces cinq paramètres importants.

Entre-temps, en 1975, l’UACB avait également publié de nouvelles Recommandations techniques pour la conception, la fabrication et le montage d’éléments en béton architectonique. En vertu de ces recommandations, la résistance à la compression des éléments de façade devait être supérieure à 11,77 N/mm² (14,71N/mm² pour le béton lisse). Les barres d’armature devaient avoir 16 mm de diamètre maximum pour éviter les fissures, alors que l’épaisseur minimale de la couverture en béton était fixée à 2 à 3 cm. Les fissures devaient être prises en considération durant le processus de conception car elles représentaient un problème majeur des façades exposées au vent et à la pluie. Ainsi, les fissures pouvaient être causées par exemple par une déformation irrégulière des éléments de façade préfabriqués et des poutres sur lesquelles ils s’appuyaient, ou à cause de la (différence de) dilatation thermique.

En ce qui concerne les compositions de béton habituel, l’UACB avait mené, en coopération avec le CSTC, des recherches sur la durabilité des structures existantes en béton architectonique préfabriqué en 1972-1976. Dans un article qui fit rapport de ces recherches, six compositions populaires furent reprises. Elles comprenaient plusieurs types de granulats (comme du quartz de Taunus, du gravier de la Meuse, des fragments de silex et du quartz de l’Eifel), ainsi que du sable de la région de Mol et du sable de Rhin. Le ciment habituellement utilisé était le ciment Portland gris (P400), mais on utilisait aussi parfois du ciment gris de haut fourneau (HK400) ou du ciment blanc.

façades préfabriquées à Bruxelles

Les panneaux de façade en béton préfabriqué s’observent le plus souvent dans les immeubles à appartements ; les applications dans des maisons unifamiliales sont moins fréquentes. On peut également le remarquer dans les publications de la presse architecturale entre 1945 et 1975. Parmi la cent-soixantaine de descriptions de maisons faisant référence aux matériaux utilisés, environ 20 font mention de l’utilisation d’éléments de façade préfabriqués en béton. A l’exception d’une villa à quatre façades d’Uccle (construite avec des panneaux de béton lisses et peints) ou de maisons privées dotées de claustras, la quasi-totalité des bâtiments concernés étaient des immeubles à appartements de taille moyenne et des tours (généralement de 4 à 15 étages). Dans ces immeubles à appartements, commandés par des propriétaires publics comme privés, le béton préfabriqué servait le plus souvent à l’habillage, et en marge à quelques applications pour des balcons.
La plupart des immeubles à appartements présentaient une ossature en béton armé. Cette ossature était soit visible et articulée, avec des panneaux de façade préfabriqués entre les colonnes, soit recouverte, tout comme les murs (en béton léger) intermédiaires, de panneaux préfabriqués.
Les panneaux de façade étaient préfabriqués avec différents matériaux comme le quartz, le silex, le gravier roulé, la pierre blanche, le porphyre, etc. Leur surface était lavée, polie ou lisse (sans autre traitement après décoffrage).
Au niveau esthétique, les panneaux permettaient aux architectes de jouer avec les couleurs et les motifs. Dans quelques cas, les panneaux en béton reprenaient par exemple la couleur de la plinthe et des tablettes de fenêtre, ou au contraire contrastaient fortement avec la celle de l’ossature visible en béton. Le motif linéaire des joints était aussi clairement incorporé dans le design de la façade, par exemple en dessinant une grille rectangulaire ou en soulignant les lignes horizontales des balcons.
Les articles ne livraient que peu de détails sur les dimensions, connexions, techniques de montage, etc. Dans un seul cas, il fut explicitement indiqué que les panneaux étaient placés après finition de l’ossature ; dans un autre cas, les panneaux faisaient office de coffrage perdu pour l’ossature ; un autre cas encore faisait mention de l’usage de panneaux préfabriqués pour recouvrir le côté des balcons, montés à sec avec des joints ouverts. Une solution très particulière fut utilisée par Charles Van Nueten dans le complexe de logements sociaux de la Rue Haute à Bruxelles : les façades, qui étaient séparées de l’ossature en béton, se composaient de panneaux préfabriqués et de poteaux préfabriqués pourvus de profilés spéciaux, dans lesquels les panneaux pouvaient être glissés. Ces poteaux généraient un quadrillage sur la façade, qui aurait été plane autrement, et permettaient aux panneaux de se dilater et d’ainsi minimiser le risque de fissures.
Dans quelques rares cas seulement, le nom de l’entreprise de préfabrication était mentionné, comme l’entreprise Siegwart S.A. Belge des poutres et planchers, la Kunststeenfabriek Vandewalle (par rapport au Quartzolithe) et Seghers Prefalith Beton. Schokbeton était également mentionnée pour les carrelages de sol sur les balcons et les grands encadrements de fenêtre, par exemple.
De ce que l’on peut conclure des descriptions concises, la plupart des panneaux de façade en béton préfabriqué étaient utilisés comme panneaux d’habillage, laissant souvent un vide entre les panneaux et la structure portante. Le recours aux panneaux sandwich semble plutôt exceptionnel. La tour à appartements Ieder Zijn Huis à Evere conçue par Willy Van Der Meeren est un exemple intéressant : les parties fermées des grands éléments de façade préfabriqués de la hauteur d’un étage se composaient de deux couches de béton de 5 cm chacune (béton de pierre ponce avec une finition lisse du côté intérieur et une couche de béton riche à la surface délavée du côté extérieur) et d’une couche de 2 à 3 cm d’isolation en polystyrène expansé entre les deux. Gaston Brunfaut eut lui aussi recours aux panneaux sandwich préfabriqués pour les trois blocs de logements sociaux à Laeken sur commission du Foyer Laekenois. Ces panneaux se composaient de briques vitrifiées du côté extérieur, d’une âme isolante et d’une couche de béton du côté intérieur.