verre et vitrages

1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975
1945

Jusqu’à l’émergence du double vitrage dans les années 1950, la glace polie et le verre à vitre étiré sont les types de verre les plus communs au sein de nos maisons.

1947

Début de la production de double vitrage en Belgique.

1950s

Toutes les verreries industrielles belges produisent, ensemble, entre 80 et 100 millions de m² de verre sur base annuelle.

Le verrier anglais Pilkington développe un nouveau processus de production afin d’obtenir des verres à la surface lisse et uniforme. Celui-ci est connu sous le nom de float glass.

1956

La presse fait état de l’utilisation de double vitrage Thermopane dans un immeuble à appartements situé à Bruxelles.

1959

La Maison et Architecture publient des numéros thématiques sur le verre et le vitrage.

1960

Glaver installe son millionième mètre carré de double vitrage Thermopane.

1961

Glaver et Univerbel fusionnent. Glaberbel est né.

1962

La CSTC publie une Note d’information technique regroupant toutes les terminologies en matière de verres et vitrages.

1965

Glaverbel se lance dans la production de verre flotté (float glass).

1966

Les Glaceries de la Sambre sont reprises par les Glaceries de Saint-Roch.

1968

Glaberbel lance le Thermopane prêt à placer.

Glaverbel diffuse une campagne publicitaire vantant les mérites du Thermopane à des fins de rénovation.

1970s

Des bandes d’aluminium garantissent l’espace entre deux feuilles de verre dans un double vitrage.

La production de vitres pour fenêtres en Belgique commença en 1836, dans une usine nichée dans la vallée de la Sambre. Le nombre d’entreprises ne cessa d’augmenter et celles-ci devinrent dans le même temps toujours plus importantes, plus professionnelles et mieux équipées. Au cours des années 1950, la production annuelle de l’ensemble des verreries industrielles de Belgique atteignit 80 à 100 millions de m², faisant ainsi de la Belgique l’un des plus importants producteurs et exportateurs de verre au monde. Néanmoins, ce qui frappe le plus au sujet de la production de verre durant l’après-guerre n’est pas tant la quantité que la polyvalence : une gamme de plus en plus large de produits fut disponible entre 1945 et 1975, du verre à vitre et la glace classique au verre décoratif coulé en passant par le verre de sécurité, le verre coloré, le vitrage double diffusant, etc. Les possibilités architecturales et décoratives semblaient infinies, alors que la liste des fonctions supplémentaires que le verre pouvait remplir ne cessait de s’allonger (ex. blocage des rayons UV et infra-rouges, isolation thermique et acoustique, résistance au bris améliorée). Chacune des entreprises principales proposait sa propre gamme de produits pour tous ces types de verre, donnant lieu à la coexistence de très nombreuses marques différentes (mais parfois similaires) sur le marché. Le double vitrage compte parmi les produits les plus populaires à être apparus durant l’après-guerre et à avoir connu une évolution remarquable. S’il fut quelque peu onéreux juste après la guerre, il devint au fil du temps un matériau de construction standard et reconnu.

ingrédients du verre

Le verre est fabriqué en faisant fondre le silicium et des minéraux tels que quartz, sable et silex broyé (plus de 70% du mélange) avec de la potasse ou de l’oxyde de sodium pour en déterminer le point de fusion. Le mélange est porté à une température de 1.200° C à 1.500° C, avant d’être refroidi pendant ou après sa mise en forme. Même si le verre se présente sous de nombreuses apparences et formes, la majorité des produits verriers se basent sur les mêmes matériaux bruts, auxquels certains adjuvants bien précis comme le magnésium, l’oxyde de fer, le carbone, l’oxyde de plomb et le sulfate de sodium sont ajoutés en petites quantités pour améliorer certaines propriétés spécifiques (ex. la résistance à la rupture et la durabilité, la couleur, l’absorption des rayons infra-rouges ou UV, la transparence, la réflexion du verre et la quantité de bulles d’air). Il est également possible d’ajouter du verre recyclé pour économiser de l’énergie et des matériaux bruts.

132_Univerbel_3R_1955_12_LM_CCV600

techniques de production

La production de verre est un processus qui demande beaucoup de travail et d’énergie. Le processus est manipulable de multiples façons pour créer différents types de verre (ex. différentes mises en forme du verre ou traitement mécanique). Les méthodes de production historiques du verre soufflé et verre coulé ont évolué et sont encore utilisées pour la création de types spécifiques de verre. Elles se sont enrichies des nouvelles méthodes par étirage et flottage du verre.

Au début du 20me siècle, l’ingénieur belge Emile Fourcault inventa une nouvelle manière de produire du verre machinalement : il proposa d’étirer le mélange de verre fondu au travers d’une débiteuse (une machine avec une fente au milieu, au travers de laquelle la masse de verre est tirée vers le haut) pour créer un long ruban vertical de verre. Après son passage dans la fente, le ruban refroidissait et était finalement coupé en morceaux plats ou des feuilles de verre. Les feuilles de verre étiré pouvaient présenter une surface onduleuse ou lignée, ou de fines bulles d’air prisonnières.

3R_1963_10_LM_CCLX_Glaverbel_Verres_Etires_LOB_Et_Univerbel  

Au cours des années 1950, le fabricant de verre anglais Sir Alastair Pilkington élabora un nouveau procédé de production pour créer une surface lisse et uniforme. Le procédé Pilkington, également connu sous le nom de procédé float, consistait à verser le verre en fusion sur un bain de métal fondu, généralement de l’étain fondu. Le verre s’étalait sur le bain d’étain et s’aplatissait sous son propre poids, créant une feuille très plate d’une épaisseur uniforme, parfaitement lisse des deux côtés. La température du bain passait progressivement de 1.100° C à 600° C à la fin du bain, où la feuille de verre était montée sur des rouleaux et coupée en morceaux. L’épaisseur du verre dépendait de la vitesse à laquelle le verre en fusion s’écoulait et de la vitesse des rouleaux.

 

136_glace_polis_AAM_IMG_9239_ret

 

Le procédé d’étirage et le procédé float étaient tous deux utilisés communément durant l’après-guerre pour la production de vitres de fenêtre transparentes. Malgré sa qualité moindre par rapport au verre flotté, le verre étiré fut encore souvent utilisé dans les années 1960, même après la large diffusion du verre flotté. La différence entre le verre flotté et le verre étiré est généralement bien visible : le verre fabriqué à la main ou par des machines de la première heure, comme pour le procédé d’étirage, présentait inévitablement des imperfections et des stries (ce qui rehausse bien sûr le caractère spécifique de l’héritage architectural), alors que le verre moderne produit à partir des années 1960 présentait peu ou pas de distorsions. La part de marché du verre flotté ne fit qu’augmenter, tant et si bien qu’à la fin du 20e siècle, 90% du verre plat utilisé dans le monde était du verre flotté.

Le procédé de production du verre n’était pas le seul à subir de gros changements au fil des ans, le traitement aussi. En fonction du procédé de production, le verre devait être douci (pour le rendre parfaitement plat) et poli (pour le rendre transparent). Si jusque-là, ce traitement était effectué à la main, on assista durant la première moitié du 20me siècle à la transition vers un traitement automatique. Dans un premier temps, le traitement n’était généralement appliqué que d’un côté à la fois, mais des machines furent élaborées au cours de l’après-guerre pour polir les deux faces des vitres en même temps.

types de verre

Outre le verre soufflé, coulé, étiré et flotté (classique), un grand nombre de types spécifiques de verre furent élaborés sur base d’une technique de production particulière ou de la combinaison de feuilles de verre à un autre matériau, comme le double vitrage ou vitrage isolant, le vitrage double diffusant, le verre de sécurité, le verre coloré et opaque, le verre décoratif coulé, etc. Pour pouvoir classifier tous ces produits différents, le Centre scientifique et technique de la construction (CSTC) a mis en place un groupe de travail Vitrerie et Miroiterie au début des années 1960. Ce groupe a préparé la Note d’information technique NIT n° 25 sur la Terminologie des principaux produits verriers utilisés dans l’industrie du bâtiment. La note définit huit grandes catégories : les produits de glacerie, le verre à vitre, le verre coulé, le verre soufflé, le verre moulé ou les briques de verre, les spécialités ressortissant aux verres plats, les glaces et verres transformés, et les glaces et verres façonnés. Chaque catégorie était subdivisée en sous-catégories. Ainsi, le verre coloré, le verre opaque et le verre athermique étaient des spécialités ressortissant aux verres plats ; le verre de sécurité et le verre isolant étaient des exemples de verre transformé. Toutes les catégories n’étaient pas forcément utilisées dans la construction résidentielle, comme le verre soufflé ou certains types de verre coulé tel que le verre cathédrale, par exemple.

 

glace polie et verre à vitre

Les feuilles planes de glace coulée et polie et de verre à vitre étiré comptaient parmi les plus utilisées dans les constructions résidentielles, jusqu’à l’émergence du double vitrage durant l’après-guerre. Contrairement à ce que la terminologie laisse entendre, les deux types étaient transparents (à l’inverse de la glace brute et de la glace doucie, qui étaient translucides). Ce qui les différentiait, c’est que le verre à vitre était poli au feu, alors que la glace l’était mécaniquement. La glace polie existait dans des épaisseurs allant de 2 à 40 mm (généralement entre 3,5 et 8 mm), alors que pour le verre à vitre, l’épaisseur pouvait varier entre 0,6 et 20 mm. La longueur et la largeur maximales étaient fonction de l’épaisseur (par exemple, une feuille de glace polie de 8 mm ne pouvait mesurer plus de 3,30 m de large) et des possibilités de transport ou de placement : des longueurs jusque 6 m étaient théoriquement possibles, mais difficiles à manœuvrer en pratique.

 

verre coulé

Le verre coulé était encore utilisé durant l’après-guerre pour certaines applications décoratives. En coulant la masse de verre fondu sur une table à surface texturée ou rugueuse, le verre prenait une apparence imprimée, avec des dessins en reliefs. Du fait de l’impression, le verre imprimé ou décoratif n’était plus transparent mais translucide, mais il transmettait quasiment autant de lumière qu’un verre transparent. Une autre manière d’obtenir une impression en relief consistait à pousser le verre entre deux rouleaux. Une large gamme d’imprimés ou de décors était disponible : martelé, strié et losangé, sans oublier les dessins spécifiques.

 

briques de verre

Le verre était également utilisé sous d’autres formes que les feuilles plates, par exemple sous forme de feuilles de verre ondulées et de briques de verre. Les briques de verre étaient produites en différentes formes (surtout carrées ou rondes), dimensions (blocs carrés de 5 cm sur 5 cm à 30 cm sur 30 cm), couleurs et sortes (pleines ou creuses). Elles étaient vantées pour leur résistance au feu et leur facilité d’entretien. Leur capacité d’isolation était deux à trois fois supérieure à celle de feuilles plates, alors que la transmission de la lumière restait voisine de 80%. La combinaison de briques de verre au béton coulé sur place (appelé aussi « béton translucide ») était encore très populaire durant l’après-guerre. Des entreprises belges comme V. Ackermans, Wenmaekers & Cie, Aug. Nyssens & Cie, Alfred Lenfranc et bien d’autres encore ont recouru à cette technique.

 

les spécialités ressortissant aux verres plats

L’introduction de certains ingrédients bien précis dans le mélange de verre en cours de production permettait de créer des types spécifiques de glace polie, de verre à vitre ou de verre coulé, comme du verre coloré, du verre opaque, du verre opalescent, du verre athermique ou du verre (in-)actinique (qui bloque ou transmet les rayons UV). On pouvait par exemple ajouter des oxydes de métal en quantités plus ou moins importantes pour créer du verre coloré, opalescent ou opaque. Dans le verre athermique, la composition chimique était ajustée dans le but d’absorber les rayons de soleil. Le verre athermique, dont la teinte bleue, verte ou grise était très claire et douce, était particulièrement utilisé dans des immeubles de bureaux, des bibliothèques et des zones de travail.

 

verre transformé

On peut distinguer trois types principaux de verre transformé : le verre de sécurité, le double vitrage (ou le verre isolant) et le vitrage double diffusant.

La production du verre de sécurité remonte au début du 20e siècle, lorsque plusieurs feuilles de verre furent combinées à une pellicule celluloïd ou PVB ou de la résine pour créer du verre de sécurité feuilleté. Même si deux feuilles de verre étaient utilisées, il ne s’agissait pas là de double vitrage, car ce terme n’est utilisé que pour deux (ou plus) parois vitrées séparées par une lame d’air sec ou de gaz entre elles.

 

Le verre trempé, inventé en 1929 par la verrerie française Saint-Gobain, était un type spécifique de verre de sécurité : une feuille de verre était portée à 600° C avant d’être refroidie très rapidement, pour rendre le verre jusqu’à cinq fois plus résistant aux chocs thermiques et mécaniques, à la pression, à la flexion, à la torsion et au flambage. Le verre trempé n’était donc pas facile à casser, et lorsqu’il finissait par se briser, il le faisait en un nombre incalculable de petits morceaux non coupants.

Le double vitrage compta parmi les produits verriers les plus couramment utilisés dans la construction résidentielle durant l’après-guerre. Il fut d’abord commercialisé pour la première fois par la verrerie Libbey-Owens-Ford au début des années 1940 sous la marque Thermopane. En Belgique, il fallut attendre 1947 pour voir le premier double vitrage ; à partir des années 1950, il devint plus accessible. Le double vitrage gagna ses lettres de noblesse grâce à ses propriétés isolantes, tant au niveau thermique qu’acoustique. Il réduisait les pertes de chaleur de 50% par rapport au simple vitrage et, grâce à la transition en deux temps du froid au chaud, empêchait la condensation. Le double vitrage améliorait également l’isolation acoustique des fenêtres : alors que le simple vitrage retenait 20 décibels, le double vitrage réfrénait quant à lui 40 décibels. Quant à la composition du double vitrage, les parois vitrées avaient généralement entre 3 et 10 mm d’épaisseur, alors que la lame d’air pouvait avoir jusqu’à 20 mm d’épaisseur. Dans les années 1960, la surface maximale théorique du double vitrage était de 6 m sur 3 m. L’écart entre les deux parois vitrées était généralement assuré grâce à l’application d’un guide métallique en plomb ou en cuivre et d’étain à souder. A partir des années 1970, des bandes d’aluminium furent utilisées pour assurer l’espace entre les deux parois vitrées. Le double vitrage devait absolument être étanche à l’air : la présence d’humidité entre les deux parois vitrées entrainait de la condensation et rendait le vitrage translucide et non plus transparent. Il n’y avait pas d’autre solution que de remplacer un double vitrage présentant des traces de condensation à l’intérieur. Au sein de la catégorie du double vitrage, des idées de nouvelles technologies et de vitrages à haute performance germaient déjà durant l’après-guerre. Ainsi, au milieu des années 1950 déjà, il était possible d’utiliser du verre trempé à la place du verre à vitre ordinaire, de la glace polie ou du verre coulé pour le vitrage Thermopane. Trois, voire même quatre ou cinq parois vitrées étaient utilisées par Glaver pour créer du triple, quadruple ou quintuple vitrage (respectivement dès le début des années 1950, la seconde moitié des années 1950 et la fin des années 1950).

 

Le double vitrage diffusant, qui augmente la capacité thermique du vitrage, se composait d’une couche de fibres de verre entre deux parois vitrées, également scellées hermétiquement sur les bords. Néanmoins, cette couche rendait le vitrage translucide et non transparent.

 

glace et verre façonnés

La dernière catégorie de la Note d’information technique du CSTC abordait les différents façonnages du verre, qu’ils soient industriels ou artisanaux. Ainsi, l’application d’un revêtement métallique très fin sur une face du verre permettait de bloquer les rayons infrarouges. Il y avait aussi le verre antireflet, le verre électro-conducteur, le verre gravé, le verre givré et le verre émaillé. Ce dernier était un type spécifique de verre opaque : une couche d’émail coloré était appliquée sur le verre et était traitée thermiquement pour assurer une vitrification complète. Il résistait très bien aux chocs mécaniques et thermiques, ainsi qu’aux conditions atmosphériques, et ne nécessitait que peu d’entretien. Toutes ces qualités en faisaient l’élément idéal pour des panneaux sandwich destinés aux murs-rideaux ou parapets. En outre, le verre émaillé permettait des combinaisons vives de couleurs, ce qui le mettait parfaitement en phase avec le style architectural optimiste et moderniste des années 1950.

les fabricants de verre en Belgique

Tout au long de l’histoire, la Belgique fut un important fabricant de verre. Les premières verreries de Belgique furent fondées vers le milieu du 19me siècle, suivies par de nombreuses (petites) entreprises. Durant le début du 20me siècle, le besoin d’une industrie mécanisée et rationalisée et le climat économique difficile donnèrent lieu à une réorganisation du secteur. Quelques fusions importantes au début des années 1930 menèrent à la création de trois entreprises principales, toujours en tête du secteur dans les années 1950, à savoir Univerbel, Glaver et les Glaceries de la Sambre.

3R_1958_05_BW_Glaver_LOB 

Univerbel naquit en 1930 de l’union de 14 petites verreries en Belgique, d’où l’appellation « Union des verreries mécaniques belges », dont Univerbel est l’acronyme. Durant l’après-guerre, l’entreprise avait son siège social à Charleroi et ses usines à Zeebruges, Gilly et Lodelinsart. Parmi les types les plus importants de verre produit par Univerbel, citons le verre étiré Univerbel, le verre émaillé Colorbel et le double vitrage Polyverbel.
L’un des concurrents directs d’Univerbel, Glaver (ou la Société anonyme nouvelle Glaces et Verres) naquit en 1931 également de la fusion de plusieurs entreprises. Glaver devint l’une des verreries les plus importantes dans le monde, avec une production de verre avoisinant les 200.000 tonnes en début d’après-guerre. L’entreprise avait quatre usines en Belgique : à Mol, Houdeng, Roux et à Poustier. Glaver produisait pour ainsi dire tous les types de verre, par exemple le verre à vitre L.O.B., le double vitrage Thermopane, le double vitrage diffusant Thermolux, le verre coulé G.C.R., le verre coloré et le verre Marmorite.
La troisième société importante était les Glaceries de la Sambre, née en 1932 d’une fusion. Durant l’après-guerre, l’entreprise fut connue principalement pour sa production du double vitrage Polyglass, le verre solaire Filtrasol, le verre poli des deux côtés Duplex et le verre trempé, émaillé Panoroc.

  3R_1965_02_LM_XLIII_Glaceries_De_La_Sambre_Panoroc   

Durant l’après-guerre, dans les années 1960, une seconde réorganisation importante de l’industrie du verre fut nécessaire : en réponse à une nouvelle échelle de l’industrie et économie d’après-guerre, Glaver et Univerbel fusionnèrent pour créer Glaverbel en 1961, tandis que les Glaceries de la Sambre furent reprises par les Glaceries de Saint-Roch en 1966, sans pour autant changer considérablement la gamme de produits.

3R_1961_08-09_BW_Glaverbel_Glaver_En_Univerbel 

L’envergure de la nouvelle compagnie Glaverbel renforça davantage encore la position des feuilles de verre belges sur le marché. A la fin des années 1960, Glaverbel employait plus de 10.000 travailleurs et avait un chiffre d’affaires annuel de 5,5 milliards d’anciens francs belges. L’entreprise produisait 80 millions de mètres carrés de verre chaque année, dont 75% pour l’exportation. La nouvelle entreprise produisait une gamme complète de produits verriers destinés à l’industrie du bâtiment : verre à vitre étiré, glace polie, verre coulé, verre émaillé, verre solaire et verre isolant, etc. Avant la fusion, Glaver et Univerbel produisaient toutes les deux la plupart des types de verre, ce qui fait qu’il a fallu poser des choix dans la réorganisation. La nouvelle gamme de Glaverbel reprit notamment Thermopane (alors que la production de Polyverbel était supprimée) et Thermolux, le verre étiré (produit tant selon le procédé Pittsburgh que le procédé Libbey-Owens) et le verre émaillé Colorbel. Alors que les nouvelles lignes de production étaient lancées (la production de verre flotté, par exemple, démarra en 1965), les anciens produits familiers tels que le Thermopane virent leur développement poursuivi et furent améliorés.

D’autres fabricants de verre importants de l’après-guerre étaient la S.A. Glaceries Réunies et Sobelever. Le premier était un producteur important de verre de sécurité. Sobelever, ou Société Belge d’Exploitations Verrières, commercialisait du verre de sécurité trempé et poli B.P.G. destiné aux portes et des feuilles de verre pliées Profilit Bauglas, entre autres. Leur produit le plus célèbre était le verre de sécurité émaillé, trempé Pan-O-Glass.

marques et produits populaires

verre à vitre

L’étude des journaux d’architecture contemporains et des archives d’architectes révèle que deux types principaux de verre à vitre étaient utilisés durant l’après-guerre : le verre à vitre L.O.B. de Glaver et le verre à vitre Univerbel d’Univerbel. Le verre à vitre L.O.B était fabriqué selon le système Libbey-Owens : après avoir été étirée vers le haut, la feuille de verre était pliée à 90° autour d’un rouleau avant de passer à l’horizontale dans le four de recuit. Le four de recuit de 60 m de long était équipé de brûleurs : poli par le feu, le verre était encore plus brillant, totalement transparent, parfaitement lisse et facile à découper. Les fenêtres mesuraient au maximum 2,85 m de large sur 5 m de haut. La valeur K du verre à vitre L.O.B. était comprise entre 5,8 et 6.4 W/m²K; le taux de transparence était de 92%.
Le verre à vitre Univerbel était produit selon le procédé d’étirage vertical Pittsburgh dans les usines de Lodelinsart, Gilly et Zeebruges. Il était apprécié principalement pour sa parfaite planéité et transparence, qui laissait passer un maximum de lumière du soleil sans déformation. Univerbel avait également élaboré plusieurs traitements de finition pour ce verre étiré, comme la perforation, le chanfreinage, le collage, le trempage, le bombage, la gravure à l’acide et le sablage. La surface maximale du verre Univerbel oscillait entre 183 cm sur 80 cm (pour une épaisseur de 2 mm) et 399 cm sur 180 cm (possible avec un Univerbel de 16 mm d’épaisseur).

3R_1952_01_LM_IV_Verreries_Mecaniques_Belges_Vitrage_Univerbel   

verre coulé

Le verre coulé était produit par Glaver (puis Glaverbel) sous la marque G.C.R. Il s’agit d’un type de verre translucide, mais qui laissait passer presque autant de lumière qu’un verre transparent. Il était disponible à la fois en blanc (incolore) et en couleur (ex. vert, bleu, jaune, rose, rouge, orange, gris et violet). Le verre coulé G.C.R. était fabriqué en continu, en poussant la masse de verre fondu entre deux rouleaux. Un motif ou dessin était imprimé sur un ou deux rouleaux, de manière à transférer le motif sur une (ou sur les deux) face(s) du verre durant le processus. Après le recuit et la découpe, les pans de verre pouvaient être gravés, sablés ou dépolis à l’acide. G.C.R. était présenté comme moins onéreux que le verre transparent, il n’était pas susceptible de s’altérer sous l’effet du temps ou de produits chimiques. L’épaisseur habituelle du G.C.R. était de 3 à 4 mm. Les motifs les plus populaires étaient le strié et le martelé, mais de nouveaux motifs sont continuellement venus enrichir le catalogue, portant le nombre de motifs disponibles durant les années 1960 à 78. Selon le motif, entre 66 et 91,5% de la lumière passait au travers du verre coulé G.C.R. Il était utilisé par exemple dans les fenêtres de toit et les applications industrielles (du fait de sa qualité mécanique élevée) ou dans les maisons (du fait de son aspect décoratif). Pour des utilisations spécifiques nécessitant plus de solidité ou une résistance au feu, un treillis pouvait être inséré dans le verre.

 

verre opaque

Le Marbrite, produit par les Verreries de Fauquez, était un type spécifique de verre opaque teinté dans la masse. Le Marbrite était fabriqué avec des ingrédients traditionnels, auxquels on ajoutait du kaolin, de la cryolite, du feldspath et des oxydes de métaux avant de porter le tout à 1.400° C. Il était très dur et devait être travaillé avec des outils diamantés. Disponible en 17 couleurs différentes, le Marbrite était utilisé tant pour des applications intérieures qu’extérieures.
Comme le Marbrite, le Marmorite était un type de verre dépoli teinté dans la masse. Son épaisseur variait entre 6 et 35 mm et il était poli mécaniquement. Marmorite pouvait être utilisé à différentes fins, notamment pour des applications où l’hygiène était primordiale, comme dans les cuisines, les restaurants, les cafés, les hôpitaux ou les écoles.

 

verre athermique

Glaver(bel) a produit deux types de verre athermique : Thermosol et Athermane K60. Thermosol était un verre à vitre au reflet verdâtre, l’Athermane K60 un verre coulé translucide. La quantité de chaleur irradiante absorbée ou reflétée dépendait du type et de l’épaisseur du verre. Le verre Thermosol présentait des valeurs types de 20% de transmission de la chaleur et de 70 à 75% de transmission de la lumière (comparativement à 90% pour un verre à vitre poli ordinaire). Comme le verre athermique absorbait les rayons et que cela entrainait des tensions internes, des précautions devaient être prises : il fallait garder un espace libre de 5 à 6 mm entre le vitrage et son encadrement, et le vitrage devait être posé à l’aide d’un produit qui ne se durcissait pas.

Les Glaceries de la Sambre ont également produit plusieurs types de verre athermique. Fitrasol était un verre coulé athermique, qui absorbait 60 à 80% des rayons infrarouges. Il était disponible en version armée ou décorative et avait une couleur bleue verdâtre, qui adoucissait la lumière. Filtragrey était la variante grise de Filtrasol : du fait de sa couleur grise, il laissait passer moins de lumière, mais absorbait aussi moins de rayons infrarouges. Le Filtrabronze, troisième variante, absorbait spécialement les rayons UV. Ces trois variantes avaient des propriétés physiques similaires : elles étaient disponibles dans les mêmes dimensions et épaisseurs (à partir de 3 mm) et pouvaient être utilisées comme verre de sécurité.

C:UsersFlôwDownloads1063_001.pdf

verre de sécurité

Parmi les spécialistes en verre de sécurité, citons la S.A. Glaceries Réunies. Elle a produit entre autres le Securit, le Clarit et le Glacetex. Le verre Securit était un verre trempé avec des propriétés mécaniques et structurelles élevées : présentant une résistance à la flexion de 215 à 245 N/mm² (comparativement à 34 à 39 N/mm² pour du verre ordinaire), il résistait également à une torsion de 30 à 40°. Les températures basses et hautes et les écarts soudains de températures ne lui posaient pas de problème. Plus l’épaisseur était accrue, plus les dimensions maximales augmentaient également : une paroi vitrée de 8 mm d’épaisseur pouvait mesurer jusqu’à 150 cm sur 135 cm, tandis que les dimensions maximales d’une paroi de 25 mm d’épaisseur étaient de 243 cm sur 275 cm. Si le verre Securit était utilisé pour des portes sans cadre, le verre devait avoir entre 11 et 13 mm d’épaisseur. Pour les portes intérieures en particulier, la S.A. Glaceries Réunies avait également élaboré un verre de sécurité Clarit: verre trempé épais (8 à 10 mm), avec une surface translucide, une bonne tenue des couleurs et un motif à pois. La S.A. Glaceries Réunies a également élaboré un troisième type de verre de sécurité, le Glacetex, pour ne plus être arrêté par les difficultés liées au découpage ou au traitement du verre Securit sur place. Le Glacetex était un verre feuilleté, composé de deux (ou plus) parois en verre poli de 2,5 à 3,5 mm d’épaisseur, collées l’une à l’autre avec une pellicule plastique entre elles. Glacetex était disponible en version plate ou bombée. Si le verre se brisait, les morceaux collaient à la pellicule. Le Glacetex se caractérisait principalement par sa haute résistance aux impacts mécaniques (du fait de l’absorption de la majeure partie de l’impact par la pellicule ; le verre était également présenté comme pare-balle), une parfaite adhérence du film plastique, l’absence de cadre en acier autour des bords pour le sceller hermétiquement, la possibilité de le découper, et une forte transparence (jusqu’à 90%).

double vitrage

Chacun des trois principaux fabricants de verre élabora sa propre marque de double vitrage : Glaver proposa le Thermopane, Univerbel produisit le Polyverbel (jusqu’à la fusion avec Glaver) alors que la S.A. Glaceries de la Sambre (aux Glaceries de Saint-Roch par la suite) fabriqua elle le Polyglass. Pour chaque fabricant, le double vitrage était un produit phare de la gamme de produits. Si les performances thermiques des différentes marques de double vitrage étaient similaires (oscillant entre 3,0 et 3,5 W/m²K), la connexion et la composition des feuilles de verre étaient différentes. Le nom de l’entreprise était souvent imprimé dans le joint entre les deux feuilles de verre.

La marque Thermopane, déposée en 1941 par la verrerie américaine Libbey-Owens-Ford, devint presqu’une dénomination générique de double vitrage dans le monde entier. En Belgique, Glaver produisit du Thermopane à partir de 1948. Les fenêtres Thermopane se composaient de deux parois vitrées et d’une lame d’air déshydraté entre les deux. Les deux parois vitrées étaient connectées grâce à un joint breveté Bondermétic en plomb et en cuivre : une bande de cuivre était attachée sur le bord intérieur de chaque feuille de verre, après quoi une bande de plomb était soudée entre elles. De l’air filtré et déshydraté était inséré dans le creux de 6 à 12 mm d’épaisseur. Le joint, imperméable à l’air, était flexible et devait résister à la tension. Thermopane était le plus souvent composé de deux parois vitrées, mais le même principe pouvait aussi être utilisé pour plusieurs parois de verre. La superficie maximale du Thermopane était de 6 m² avec un verre à vitre ordinaire, alors que Thermopane avec de la glace polie pouvait atteindre 18 m². Thermopane pouvait en réalité être produit avec presque chaque type de verre, comme le verre coulé, la glace, le verre athermique, le verre sablé et le verre trempé. Pour installer du double vitrage Thermopane, avec du mastic et des parcloses, il fallait éviter tout contact direct avec les encadrements de fenêtre.

Octobre 1957 3R_1968_10_LM_Glaverbel_Thermopane  

Une large campagne publicitaire fut mise en place par Glaver pour convaincre l’industrie de la construction des avantages qu’offrait Thermopane. L’un des principaux avantages soulignés était la réduction de 50% de la transmission de chaleur par rapport à un simple vitrage de 4 mm. A titre d’exemple, un vitrage Thermopane à deux parois vitrées de 3 mm et d’une épaisseur totale de 14 mm offrait une valeur K de 3,5 W/m²K. La superficie vitrée de la fenêtre pouvait être accrue sans faire bondir les frais de chauffage, évitant par la même occasion de fortes baisses de température à l’approche des fenêtres et augmentant considérablement le niveau de confort. Un argument, qui parait évident aujourd’hui mais qui souligne le côté novateur du double vitrage à l’époque, est le fait que Thermopane était facile à entretenir vu que seules deux surfaces devaient encore être nettoyées (contre quatre pour les « doubles fenêtres »).
La campagne publicitaire semble avoir rempli sa mission : si la production de double vitrage Thermopane était relativement limitée au début des années 1950 (avec près de 100.000 fenêtres mises en place en 1955 partout en Europe), le nombre d’applications a rapidement augmenté, permettant à Glaver de célébrer le placement du millionième mètre carré de vitrage Thermopane en 1960 (plus précisément dans le bâtiment Telex à Bruxelles de l’architecte Léon Stynen). Durant les années 1960, la technologie de Thermopane était à ce point élaborée que Glaverbel décida de faire passer la période de garantie contre les risques de visibilité diminuée, de condensation et de poussière à l’intérieur de cinq à dix ans. Thermopane remporta plus de succès encore avec la mise sur le marché en 1968 du « Thermopane prêt à placer », préfabriqué en 47 dimensions standards et livré sur le chantier endéans les deux semaines. En 1968, Glaverbel lança également une campagne de publicité pour le Thermopane à des fins de rénovations, soulignant la possibilité de modifier les châssis de fenêtre existants pour accueillir le vitrage Thermopane.

Polyverbel était la marque de double vitrage d’Univerbel : deux (ou trois) parois de verre à vitre étiré Univerbel étaient emprisonnées dans un encadrement rigide en acier inoxydable, avec une lame d’air déshydraté entre elles, scellée par un joint plastique résistant à l’eau et aux conditions atmosphériques. Pour le double vitrage Polyverbel, des parois en verre étiré de 3 à 7 mm pouvaient être utilisées (avec 6 à 13 mm d’air entre elles, donnant une épaisseur globale comprise entre 14 et 27 mm). Pour le triple vitrage, les parois individuelles étaient de 4 ou 6 mm (avec 6 mm d’air entre elles, aboutissant à une épaisseur globale de 27 ou 34 mm). Pour pouvoir bénéficier de cinq ans de garantie, Polyverbel devait être correctement placé, à savoir sur des blocs de soutien en plomb ou en néoprène et des écarteurs latéraux visant à éviter tout contact avec l’encadrement de fenêtre, alors qu’un mastic plastique créait une connexion hydrofuge tout le long des bords. Univerbel proclamait que Polyverbel laissait passer plus de lumière, moins de chaleur et moins de bruit qu’un vitrage ordinaire. Au niveau acoustique, 40 décibels étaient absorbés (contre 20 décibels avec un simple vitrage). Grâce à une valeur K comprise entre 3 et 3,5 W/m²K pour le double vitrage Polyverbel (et 2,1 W/m²K pour le triple vitrage), le confort était accru tout en évitant la formation de condensation. Les pertes calorifiques étaient réduites de 50%, ce qui permettait d’augmenter la surface vitrée ou de réduire les coûts liés au chauffage de 20%. Le coût supplémentaire du double vitrage Polyverbel était, selon Univerbel, rentabilisé en six ou sept ans.

 1961_08_COUVERTURE.pdf  

Les Glaceries de la Sambre ne se laissèrent pas distancer et produisirent du double vitrage Polyglass. Fabriqué avec une glace polie des deux côtés, il était parfaitement plane et clair, sans distorsion ni rayure. Le joint flexible entre les deux parois était créé par un gel siliconé et des écarteurs en acier. Ce joint scellait hermétiquement l’espace compris entre les deux parois, empli d’air déshydraté. Le tout était emprisonné dans un profilé en U en polyéthylène et un châssis en acier inoxydable pour assurer la robustesse de l’ensemble. Les dimensions maximales étaient de 3 m sur 5 m. En 1961, la gamme de Polyglass se composait de 13 types de double vitrage, quatre types de triple vitrage, un type de quadruple vitrage et même un type de quintuple vitrage (ces deux derniers n’étaient toutefois pas utilisés dans des immeubles, mais plutôt dans des frigos). Polyglass était disponible en plusieurs versions, avec plusieurs types de vitrage. La façade du pavillon du Luxembourg à l’Exposition universelle de 1958 à Bruxelles en fut un exemple : il était revêtu de 1.200 m² de double vitrage Polyglass composé de glace polie ordinaire à l’intérieur et d’une glace polie bleuâtre qui absorbait les rayons infrarouges à l’extérieur. Le Polyver (un double vitrage avec du verre à vitre au lieu de glace polie) et le Polygrey (combinant un verre ordinaire à un verre solaire et poli gris Filtragrey) représentaient également d’autres alternatives.
Le type le plus fin de Polyglass était le « D143 : D pour double vitrage, 14 pour l’épaisseur totale (en mm) et 3 pour l’épaisseur des parois vitrées (également en mm). Ce type de Polyglass pesait 16 kg/m² net. Le type le plus lourd à deux parois vitrées était le D4012, qui pesait 61 kg/m². La valeur K du Polyglass à deux parois vitrées variait entre 3,1 et 3,4 W/m²K. Une troisième couche de verre diminuait encore la valeur K à 2,3 ou 2,1 W/m²K.

verre double diffusant

Outre le Thermopane, Glaver a également produit un autre type de vitrage aux propriétés thermiques améliorées, le Thermolux. Il se composait de couches de verre, mais celles-ci étaient séparées d’une fine couche d’isolation en fibres de verre, transmettant une lumière diffuse, neutre et naturelle. Les pertes calorifiques étaient inférieures de 40% à celles d’un simple vitrage, la condensation était réduite et les propriétés acoustiques accrues. La résistance mécanique du verre Thermolux était comparable à celle d’un verre armé. Les deux parois vitrées pouvaient être en verre à vitre, en verre poli ou en verre coulé.

verre réfléchissant

Lorsqu’on appliquait un coating très fin de métal ou d’oxyde de métal sur une face d’une paroi vitrée, le vitrage reflétait les rayons infrarouges. Glaver a mis en œuvre cette technique pour sa marque Stopray. Le coating pouvait être appliqué sur un verre à vitre étiré ou sur du verre poli, qui était ensuite incorporé dans un double vitrage Thermopane. En recourant au vitrage Stopray, les radiations solaires étaient réduites de 70%, alors que les réductions de pertes calorifiques en hiver étaient similaires à celles d’un triple vitrage Thermopane.

 

verre émaillé

Le verre émaillé convenait particulièrement aux panneaux sandwich pour les murs-rideaux, dont la demande augmenta à partir des années 1950. C’est pourquoi plusieurs entreprises développèrent des produits en verre émaillé à cette époque.

3R_1958_06_BW_Univerbel_Colorbel  

Colorbel était la marque de verre émaillé d’Univerbel, composé d’un verre à vitre Univerbel relativement épais et d’une couche d’émail coloré, complètement vitrifiée en cours de production pour la rendre très solide et durable. Selon Univerbel, Colorbel résistait trois à quatre fois mieux aux chocs thermiques et mécaniques que du verre ordinaire et ne s’érodait ni ne s’altérait avec le temps, allait toujours conserver ses couleurs d’origine et était facile d’entretien. Colorbel était disponible en 14 couleurs standards, avait 5 à 7 mm d’épaisseur et mesurait jusqu’à 2,40 m sur 1,40 m. D’un poids compris entre 11,5 et 17 kg/m², Colorbel devait être installé dans des châssis relativement robustes, avec suffisamment d’espace pour permettre une dilatation thermique entre le verre et l’encadrement. Le verre était soutenu par de petits blocs en plomb ou néoprène afin d’éviter tout contact direct entre le verre et le châssis. Du mastic ou des parcloses scellées rendaient la connexion étanche à l’eau.

Les Glaceries de la Sambre ont développé leur marque de verre émaillé trempé, le Panoroc. Les dimensions maximales du Panoroc étaient de 2,50 m sur 1,50 m. Panoroc était disponible en 14 coloris et pouvait être utilisé comme panneau simple ou en panneau sandwich (avec une âme de laine de roche). A l’instar du double vitrage Polyglass développé par le même fabricant, le Panoroc était imbriqué dans un châssis en acier inoxydable et en polyéthylène. Les panneaux étaient disponibles en quatre épaisseurs (27, 34, 40 et 47 mm) et la valeur K variait entre 1,7 et 0,9 W/m²K, selon l’épaisseur.

Pan-O-Glass était quant à lui un type de verre émaillé produit par Sobelever. Ayant passé avec succès les tests de résistance à l’effet du temps et des intempéries, il pouvait être utilisé en intérieur (par exemple pour la décoration intérieure ou pour des meubles) comme en extérieur (murs-rideaux, ameublement des espaces publics, etc.). Il était principalement mis en œuvre dans les murs-rideaux et les panneaux sandwich, dans lesquels il était associé à un panneau de liège, fibrociment ou tout autre matériau. Pan-O-Glass rencontra un franc succès en Amérique, au Canada, en Norvège, en Suisse, en Suède, en Australie et en Italie, tandis que le marché belge se montra un peu plus réticent jusqu’à la fin des années 1950. Pour convaincre les clients, l’usine belge proposa une gamme étendue de 23 coloris, alors que huit produits seulement étaient disponibles en Amérique et 15 en Angleterre.

recommandations techniques

Si le verre était présent sur le marché en de multiples déclinaisons et omniprésent dans l’architecture d’après-guerre, il n’était en revanche quasiment pas abordé dans les règlementations officielles et les prescriptions techniques. Ainsi, l’édition 1970-1973 du Cahier général des charges pour travaux de construction privée ne faisait aucune référence au verre, à l’exception de la laine de verre et d’autres produits dérivés. Dans l’édition de 1958 du cahier des charges-type de la Régie des Télégraphes et des Téléphones (RTT), un bref paragraphe traitait du verre et contenait quelques recommandations et prescriptions en la matière, notamment sur l’épaisseur ou l’application du mastic. Les règlementations locales en matière de construction ne faisaient généralement que brièvement référence aux fenêtres : la règlementation d’Ixelles de 1948 (en vigueur jusqu’en 1975), par exemple, prescrivait les surfaces minimales de fenêtres par rapport à la surface du sol, mais ne mentionnait aucune exigence fonctionnelle ou autre. Un autre document déjà visé plus haut, à savoir la Note d’information technique NIT n° 25 publiée par le CSTC en 1962, ne définissait pas non plus d’exigences en termes de qualité ou de performance. Il fallut attendre 1980 pour que le Ministère des communications et de l’infrastructure publiât les Spécifications Techniques Unifiées STS 38 relatives au verre et au vitrage. En 1989, ces spécifications servirent de base à la première norme relative au verre publiée par l’Institut belge de normalisation, la NBN S23-002 (STS 38). Dans l’intervalle, la Commission de la communauté européenne avait publié des prescriptions relatives à l’utilisation du verre plat dans le bâtiment (Rapport EUR 8069, 1983).

L’absence de normes et de réglementations officielles relatives au verre durant l’après-guerre reflète le manque d’attention à la question de savoir quelles propriétés du verre devaient faire l’objet d’une norme ou d’une règlementation. Le verre remplissait rarement une fonction structurelle, du moins dans l’habitat d’après-guerre. Pour le verre de sécurité (utilisé pour les portes et les parapets, entre autres), certaines propriétés mécaniques étaient très importantes, mais elles n’étaient pas encore réglementées avant 1975. Les propriétés d’isolation thermique et acoustique du verre devinrent également de plus en plus importantes durant l’après-guerre, mais à nouveau, aucune exigence n’était formulée : à sa publication en 1974, la première norme belge formula un indice de transmission de chaleur maximal T pour chaque pièce sans spécifier la performance des matériaux ou surfaces à titre individuel. Les autres propriétés et exigences à satisfaire dans des logements privés, comme la transparence, la couleur, la réflexion etc. étaient généralement définies par l’architecte, qui pouvait choisir librement le type spécifique de verre qui se rapprochait le plus de ce qu’il voulait créer. Pour guider l’architecte ou le client dans ses choix, une classification avait été mise en place pour la glace polie et le verre à vitre, de AA (pour les glaces de qualité supérieure) à A (pour les applications spécifiques), B (applications courantes) et C (applications industrielles). Malgré l’absence de prescriptions officielles, les fabricants avaient souvent recours à des laboratoires indépendants pour tester leurs produits, afin de vérifier objectivement certaines caractéristiques (ex. la résistance au vieillissement et aux agents chimiques) et de pouvoir les utiliser comme arguments de vente.

le verre dans la presse architecturale

La relative absence du verre dans les normes et réglementations officielles contraste fortement avec l’attention dont il faisait l’objet dans la presse architecturale. Parmi les articles documentaires techniques (sans tenir compte des articles sur des applications) relatifs aux huit matériaux de construction faisant l’objet de la présente recherche, la très grande majorité traitait du verre, soit environ un tiers des quelques 75 articles. La majorité d’entre eux sont parus dans deux numéros thématiques sur le verre et le vitrage, dans Architecture (n° 30-31, 1959) et La Maison (n° 7, 1959). Certains de ces articles étaient plutôt des publicités déguisées en documentation. Le comité de rédaction d’Architecture comptait fortement sur les entreprises et les fédérations de l’industrie du verre pour rédiger ce numéro spécial. L’éditorial fut écrit par Pierre Gilard, directeur de l’Institut national du verre, qui considérait le matériau comme l’un des plus importants de l’architecture contemporaine : « Le verre ne constitue plus, comme par le passé, un simple moyen d’obturation laissant à la pierre la faveur de créer un style, il prend rang parmi les éléments fondamentaux de l’architecture ». Pierre-Louis Flouqet, dans sa préface au numéro spécial de La Maison, renchérit également sur la valeur du « matériau de lumière » : « L’évolution de la civilisation, si l’on y songe, résulte pour une très large part de l’amélioration de la fabrication du verre ».

De fait, l’industrie du verre était très active dans les publications et documentations commerciales. Plus de 900 publicités publiées dans Architecture et La Maison sur les huit matériaux de ce projet de recherche ont été analysées, et environ 300 d’entre elles concernaient le verre et le vitrage. De même, parmi les près de 500 brochures et catalogues d’entreprises pertinents retrouvés dans les archives architecturales et étudiés, 30% dépeignaient des produits verriers. Les panneaux de revêtement et sandwich et les châssis de fenêtre complètent le top trois des produits les plus repris dans les publicités comme dans les catalogues.

le verre dans les immeubles résidentiels à Bruxelles

Le verre fut utilisé dans chaque maison construite après la guerre à Bruxelles, sans exception. Néanmoins, il n’en est fait que peu mention dans les descriptions de nouvelles maisons dans la presse architecturale : le type de verre utilisé n’était indiqué que dans environ 25% des articles qui faisaient mention des matériaux et techniques de construction mis en œuvre. Même si l’échantillon d’une quarantaine de maisons est trop petit pour être représentatif, il permet de distinguer certaines tendances.

   

Dans un quart des cas, des briques de verre ou des mosaïques de verre ont été utilisées. Les briques de verre étaient utilisées pour de petits détails architecturaux, des œuvres d’art décoratives multicolores, de larges bandes de briques de verre ou même des murs entiers en « béton translucide ». Le verre était également utilisé en mosaïques, par exemple pour couvrir une façade de béton, ou encore dans les pièces humides.

Du verre de sécurité était utilisé dans environ 25% des cas aussi, le plus souvent pour des portes et des balcons. Le Sécurit était très populaire tant pour les portes d’entrée que pour les garde-corps de balcons ou d’escaliers ; Clarit était aussi utilisé tant pour les portes intérieures que pour les parapets de balcons et les murs de séparation. Dans quelques cas, du verre de sécurité coloré était utilisé pour les parapets de balcon, par exemple le verre triplex trempé « fumé », le verre double feuilleté dans une teinte gris clair ou encore le verre trempé « mordoré ».

L’utilisation de double vitrage, mentionnée dans environ la moitié des cas, était plus importante encore que celle des briques de verre ou du verre de sécurité, préférés pour les petits détails décoratifs. Thermopane était la marque la plus utilisée (ou citée), suivie de près par Polyverbel, puis par Polyglass. La première mention de double vitrage remonte à 1952, dans un immeuble à appartements de 6 étages conçu par Josse Franssen en 1950. Si l’article parle de « double vitrage », il s’agissait en fait d’un type très particulier : l’espace entre les deux parois vitrées était très large, renfermant des persiennes orientables qui coulissaient entre les deux glaces. La première mention d’un vrai double vitrage remonte à 1956, dans un immeuble d’appartements à Uccle, également œuvre de Josse Franssen, et où du Thermopane fut installé : l’architecte avait conseillé aux copropriétaires de recourir au double vitrage Thermopane, conseil qu’ils suivirent pour la plupart. Le double vitrage était utilisé dans tous les types de construction, de la maçonnerie traditionnelle aux ossatures en béton, en passant par les constructions en ossature bois. Il était toutefois considéré comme un luxe. On observe d’ailleurs dans plusieurs cas qu’il n’était pas installé dans tout le bâtiment, mais uniquement dans les pièces de vie ou dans les pièces dont l’orientation n’était pas favorable. La villa de plain-pied construite à Uccle par l’architecte Marc Marchand et parue dans La Maison en 1968 est un exemple idéal pour évaluer l’impact financier d’un double vitrage dans le budget d’une construction : le coût total de la maison s’est élevé à 2 millions d’anciens francs belges, dont environ 3% avaient été affectés au verre et aux vitrages (en comparaison, les postes « électricité » et « équipement sanitaire » coûtaient plus ou moins la même chose). Son utilisation semblait davantage freinée par son coût que par la nouveauté de la technique et les éventuelles maladies de jeunesse qui vont de pair : dans un cas seulement, en 1969, la description faisait mention de tests de laboratoires sur un prototype pour confirmer l’étanchéité à l’eau du double vitrage et de son châssis en bois.

 9C_1952_05_AR_147_Franssen_Habitation  

D’autres types de verre étaient utilisés dans les maisons parues dans les journaux d’après-guerre, comme le simple verre étiré (tant le verre étiré Univerbel que la L.O.B. étaient utilisés), le verre isolant (sans savoir avec précision s’il s’agissait de vitrage double clair ou diffusant), le verre coulé et le verre émaillé Colorbel. Le verre Marbrite fut également utilisé, à deux reprises, par l’architecte Willy Van Der Meeren. Dans l’immeuble Ieder Zijn Huis à Evere, il a utilisé des panneaux en béton avec une âme de polystyrène et un vitrage Thermopane, mais aussi de grands encadrements en bois avec des panneaux sandwich composés d’une couche de Marbrite, de polystyrène et de contreplaqué. Quelques années plus tard, Van Der Meeren utilisa à nouveau des panneaux sandwich avec du Marbrite pour une maison en coin abritant une étude d’avocat, à Etterbeek.