isolation thermique et acoustique

1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975
1945

La Maison publie des annonces vantant les mérites d’isolation thermique et acoustique d’Isoverbel et Lenders.

1948

La Maison décrit pour la première fois une maison d’habitation privée bruxelloise d’après-guerre dans laquelle sont effectués des travaux d’isolation.

1950s

La presse spécialisée en architecture belge voit dans l’isolation thermique et acoustique un sujet populaire.

L’émergence des matériaux d’isolation synthétiques crée une révolution dans le monde de l’isolation.

1951

BASF, entreprise chimique allemande, développe le Styropor, une mousse de polystyrène expansé. Elle sera commercialisée en 1954.

1952/1953 – 1956

La Maison publie deux séries d’articles sur l’isolation. Ils sont signés Antoine de Grave.

1955-1960

A la fin des années 1950, au vu des succès des entreprises internationales, Eternit et Isoverbel élargissent leur offre d’isolants minéraux avec des produits d’origine synthétique.

1958

Bouwen en Wonen publie un article soulignant l’importance de l’isolation thermique comme source de réduction des coûts.

1959

Bouwen en Wonen publie un numéro thématique sur l’isolation thermique et acoustique.

La presse périodique belge évoque pour la première fois la valeur λ.

1960

Styropor rencontre un succès quasi-immédiat. Des dizaines de millions de mètres carrés sont placés par 1960.

1962

Fondation de la Communauté de l’isolation thermique et acoustique.

Le CSTC publie plusieurs rapports sur l’isolation pendant les années 1960 et notamment sur l’isolation des toits plats en 1962.

1964

La première usine belge produisant du Foamglas voit le jour à Tessenderlo.

1969

L’IBN met en place une commission spéciale dont les travaux doivent préparer la première norme belge en matière d’isolation thermique.

1970s

Les prix de l’énergie s’envolent suite au premier choc pétrolier.

1972

Le Club de Rome publie Limits to Growth, un manifeste cherchant à sensibiliser le public sur le côté épuisable des ressources naturelles.

1973

Première crise pétrolière
Le Cahier général des charges pour constructions privées consacre 25 pages à l’isolation thermique.

1974

La première norme belge en termes d’isolation thermique (NBN-B62-001) voit le jour.

En 1945 déjà, dans le premier volume de La Maison, deux sociétés faisaient la promotion de leurs matériaux d’isolation : Isoverbel et Établissements Ernest Lenders. Soulignons que tant Isoverbel qu’Établissements Ernest Lenders vendaient des produits d’isolation thermique et acoustique. Même si la chaleur et le son ne se transmettent pas de la même façon et observent d’autres lois, les soucis d’isolation thermiques et acoustiques étaient effectivement souvent abordés en même temps. Les deux types étaient aussi souvent fabriqués avec les mêmes matériaux de base (de nature végétale, minérale ou synthétique). L’isolation thermique et acoustique devint un sujet populaire en Belgique dans la littérature architecturale et technique spécialisée au début des années 1950. A partir de la fin des années 1950 et du début des années 1960, des agences de consultance furent créées pour mener des études thermiques globales permettant d’améliorer l’utilisation d’isolation thermique dans la pratique quotidienne de la construction. Parallèlement à l’émergence de nouvelles tendances architecturales, avec des structures toujours plus légères et moins inertes, on assista à une prise de conscience accrue des pertes de chaleur, des gaspillages de carburant, des installations de chauffage démesurées et des gros frais de chauffage. A la fin des « Trente glorieuses », juste après la première crise pétrolière, l’utilisation d’isolation thermique fut réglementée par la première norme belge sur l’isolation thermique, sortie en 1974. Mais cela n’empêcha pas certains matériaux de construction d’après-guerre de recevoir le label « isolation thermique » plutôt rapidement. En fait, il fallut attendre une norme européenne sortie en 1990 (ISO 9774) pour qu’une valeur λ maximum de 0,065 W/mK soit acceptée au niveau international pour les matériaux d’isolation.

matériaux d'isolation

Les différents types et produits d’isolation peuvent être classés selon différents critères, par exemple selon leur structure (ex. fibreuse, granuleuse ou cellulaire), leur forme (ex. panneau, spray, manteau), ou, plus habituellement, selon leur nature physique. Dans ce dernier cas de figure, on distingue les matériaux d’isolation végétaux, minéraux et synthétiques. Le bois était de loin le matériau d’isolation végétal le plus populaire (mélangé ou non à du ciment ou d’autres produits), avec le liège et le lin. Quant aux matériaux d’isolation minéraux, les plus utilisés étaient les fibres de verre, la laine de roche, l’amiante, le verre cellulaire et la perlite et la vermiculite expansée. Des matériaux d’isolation synthétiques, comme le polystyrène expansé (PS) et la mousse de polyuréthane (PUR) entrainèrent une révolution dans le marché de l’isolation à partir des années 1950.  

 

matériaux d’isolation végétaux

En tant que matériau d’isolation, le bois était le plus utilisé pour créer différents types de panneaux de fibres. L’utilisation de fibres végétales dans des panneaux de construction remonte au début du 20ème siècle en Amérique, après quoi les fibres de bois et d’autres végétaux furent utilisées intensivement dans les matériaux de construction du monde entier. La plupart de ces panneaux étaient disponibles dans de nombreuses dimensions, avec une épaisseur allant de 10 à 30 mm. L’un des principaux problèmes des panneaux en fibres de bois (naturelles) résidait dans leur sensibilité à la chaleur et à l’humidité, ils se cintraient et se dilataient, ils pourrissaient et réagissaient aux agents chimiques, perdant leur aspect initial. Pour surmonter ces difficultés, en particulier la sensibilité des fibres de bois à la chaleur, à l’humidité et aux agents chimiques, deux stratégies rencontrèrent un franc succès : soit le panneau était traité en surface (par exemple à l’aide d’une finition décorative ou d’un placage bois), soit les fibres de bois étaient mélangées à du ciment ou de la résine pour « stabiliser » leurs caractéristiques. Les panneaux en ciment-fibres de bois étaient un peu plus lourds que ceux uniquement composés de fibres de bois : ils pesaient généralement entre 300 et 600 kg/m³ au lieu de 220 à 250 kg/m³. Ces panneaux en ciment-fibres de bois résistaient au feu et avaient une valeur λ comprise entre 0,08 et 0,15 W/mK. Ils étaient souvent utilisés comme coffrage perdu pour des murs ou des planchers en béton coulés sur place. Un autre type de panneau en bois fut produit avec de petites particules calibrées de bois et de la résine (synthétique) à base de mélamine ou d’urée formaldéhyde, par exemple. Le mélange était transformé en panneau en le comprimant entre deux plaques ou par extrusion. La pression exercée entrainait une augmentation de la masse volumétrique, à environ 650 kg/m³. En fonction du type et de la marque du panneau, on apposait un coating extérieur ou une couche de finition pour améliorer l’aspect esthétique et/ou la perméabilité à l’eau et à l’air. Ces panneaux étaient plus stables que des panneaux en fibres de bois ordinaires, mais la résistance à l’humidité et au feu restaient encore des points d’attention. Les panneaux en fibres de bois et en particules de bois pouvaient être sciés, forés et cloués comme n’importe quel autre produit en bois naturel. Malgré le fait que la conductivité thermique des panneaux en fibres de bois était tout aussi faible que celle du bois (conductivité thermique ou valeur λ généralement entre 0,1 et 0,5 W/mK), les propriétés isolantes en étaient souvent secondaires : la plupart de ces panneaux étaient utilisés pour leur aspect décoratif et leurs qualités autoportantes en tant que panneau de finition, écran ou mur de séparation, ou encore comme coffrage perdu, plutôt que pour leurs propriétés isolantes.

Comme le bois, le liège était aussi un matériau d’isolation relativement populaire pour lutter contre la chaleur, le froid, le bruit et les vibrations. Le liège naturel est léger, compressible, élastique, imperméable à l’eau et au gaz, imputrescible et ignifuge. Nombre de ses propriétés isolantes sont dues au fait que le liège comprend de nombreuses bulles d’air liées à sa structure cellulaire interne. Toutefois, comme il est assez hétérogène, il est difficile à utiliser à grande échelle dans son état naturel. C’est pour cette raison qu’on a développé le liège aggloméré, un produit manufacturé : des granules de liège étaient mises sous pression dans l’autoclave, où elles se dilataient et s’aggloméraient à hautes températures. Le liège aggloméré était produit sous forme de panneaux, carreaux, blocs etc. et était utilisé dans les planchers (sous les tapis, parquets ou carreaux), plafonds, murs, autour des tuyaux, etc. La valeur λ du liège oscillait entre 0,038 et 0,40 W/mK.

matériaux d’isolation minéraux

A l’inverse de la plupart des matériaux végétaux, les matériaux d’isolation minéraux sont généralement ignifuges, non hygroscopiques et imputrescibles. Ces trois caractéristiques en ont fait des matériaux très adaptés pour l’isolation, en particulier dans des vides ou d’autres endroits difficiles à inspecter. Une autre qualité, encore plus importante, est la faible valeur λ, généralement inférieure à 0,05 W/mK.

Les fibres de verre étaient très populaires comme matériau d’isolation minéral, tant dans les plaques que dans les panneaux (semi-)rigides et les couvertures. Les produits en fibres de verre avaient une masse volumique généralement comprise entre 20 et 300 kg/m³ et une conductivité thermique de 0,031 à 0,050 W/mK. Ils étaient ignifuges, non hygroscopiques et élastiques.

Un type particulier d’isolation par le verre, mais basé sur le verre fondu et non sur les fibres de verre, était le verre cellulaire, dont le monopole était détenu par Foamglas. Le verre fondu était dilaté de manière à ce que le volume soit 15 fois supérieur au volume initial. Grâce à des milliers de petites bulles emprisonnées à l’intérieur, qui ne communiquent pas les unes avec les autres, l’isolation au verre cellulaire était résistante à l’eau, à la vapeur, aux acides et à la lessive. Sa conductivité thermique avoisinait les 0,050 W/mK. Le matériau était léger (144 kg/m³) et ignifuge. Il était également imputrescible : inorganique et exempt de capillarité, il n’était pas affecté par les champignons. Comme il restait toujours sec, il conservait ses qualités et ne s’érodait pas. L’une des caractéristiques les plus spécifiques à l’isolation au verre cellulaire était sa haute résistance à la compression : elle ne se déformait pas, résistait à une compression de 70 N/mm² et plus, sa résistance à la flexion équivalait à 51,5 N/mm² et son coefficient de dilatation thermique n’était que de 9 x 10-6/° C. Foamglas était produite sous forme de blocs durs, d’environ 45 cm de large sur 30,5 ou 61 cm de long. Ces blocs étaient disponibles en différentes épaisseurs, entre 2 et 13 cm environ. Ils étaient faciles à transporter, couper et manipuler. Ils étaient utilisés dans les toits plats et les parkings à étages (directement sur les dalles en béton ou le revêtement de toit, combinés aux systèmes bitumeux traditionnels) et dans les toits en pente. Ils étaient également utilisés dans les murs, à l’intérieur du creux du mur ou comme revêtement (à la fois comme isolant, protection et structure autoportante pour améliorer la résistance au feu) ou comme noyau interne d’un mur-rideau. Du fait de leur haute résistance, ils étaient aussi utilisés sous les planchers et les dalles creuses, dans les fondations et sous les seuils de fenêtre.

La laine de roche présentait environ les mêmes propriétés physiques que les fibres de verre. Sa masse volumique oscillait entre 20 et 300 kg/m³ et sa valeur λ était de 0,040 W/mK. La laine de roche a été produite, entre autres, par la Johns Manville Corporation.

L’amiante, très populaire à l’époque mais décrié aujourd’hui, est une fibre minérale naturelle obtenue en broyant de la roche volcanique silicatée cristallisée. Pendant l’après-guerre, on ne tarissait pas d’éloges sur les propriétés physiques de l’amiante : bonne isolation acoustique, faible conductivité thermique de 0,04 à 0,045 W/mK, résistance au feu, grande résistance à la traction, imputrescibilité et coût réduit. Toutefois, la reconnaissance générale des risques sanitaires liés à l’utilisation d’amiante a conduit à l’interdiction de son utilisation en Belgique en 2001. L’amiante était présent à la fois dans des éléments préfabriqués (panneaux, tuyaux, tuiles, etc.) et dans les pulvérisateurs destinés au flocage sur chantier. La masse volumique oscille entre 10 et 200 kg/m³; le flocage s’effectuait par couches de 100 à 300 kg/m². La perlite est un agrégat amorphe de verre volcanique, dont la teneur en eau est relativement élevée. En usine, l’agrégat était concassé et placé dans un four : l’eau s’évaporait, entraînant une expansion importante (12 à 20 fois le volume initial) et la création de cellules fermées. La perlite était très légère, ignifuge, résistante aux acides, inerte chimiquement, imputrescible, non hygroscopique et résistante aux températures très élevées et très basses.

La perlite expansée était utilisée comme isolation thermique et acoustique, comme remplissage des vides et des creux (avec des calibres petits, moyens et grands), ou comme adjuvant dans du béton, du mortier, les chapes et les enduits pour en améliorer la capacité thermique. La perlite expansée avait une masse volumique de 60 à 120 kg/m³. En Belgique, la perlite expansée était produite par Slaets & Co et Eternit sous la marque Lithoperl, fabriquée par son département Pierrite. Tous deux en promouvaient l’utilisation comme granulat pour béton d’isolation et crépi isolant. La capacité d’isolation d’un mortier mélangé à du Lithoperl d’Eternit était deux à trois fois meilleure que celle du béton de pierre ponce et sept à huit fois meilleure que celle de la pierre. Au niveau acoustique, une couche de mortier Lithoperl sur des hourdis en béton ou des briques creuses absorbait 30% des bruits aériens et de contact, ce qui est comparable à l’efficacité des planchers flottants de l’époque. La masse volumique du béton Lithoperl oscillait entre 435 et 625 kg/m³, la valeur λ entre 0,070 et 0,122 W/mK, alors que sa résistance à la compression variait entre 78 et 265 N/mm². Slaets utilisait trois types de « béton peralite » : le béton normal (une part de ciment pour trois parts de perlite), le béton pour chape isolante (1/5) et le béton de pente pour toits plats (1/7). Pour chacun de ces types, pesant respectivement environ 600, 450 et 390 kg/m³, la conductivité thermique était de 0,22, 0,11 et 0,092 W/mK et la résistance à la compression de 490, 294 et 118 N/mm². Pour les enduits, Slaets recommandait d’appliquer (au moins) deux couches d’environ 7mm, composées d’une part de ciment ou de plâtre pour quatre parts de perlite.    

La vermiculite est un minéral silicaté ou mica (avec des éléments d’aluminium et de magnésium) similaire à la perlite. Portée à haute température, elle prenait 15 à 20 fois son volume initial, avec une masse volumique d’environ 100 kg/m³. Outre sa capacité isolante élevée, la vermiculite expansée était résistante au feu, insensible aux acides et non hygroscopique. Comme la perlite, elle pouvait être utilisée en vrac ou combinée à un agent liant (béton, ciment, craie). Slaets & Co a fait la promotion du béton vermiculite, composé d’une part de ciment et de 3 à 13 parts de vermiculite. Les propriétés exactes étaient fonction du mélange, sa masse volumique étant généralement de 300 à 600 kg/m³ et sa conductivité thermique de 0,116 à 0,81 W/mK. En la mélangeant à du plâtre, la vermiculite expansée pouvait également être utilisée pour des coatings isolants ou du stuc. Il était également possible de l’appliquer à la place du liège dans des chapes clouables, même si Slaets & Co ont précisé que dans ce cas de figure, la perlite était plus légère, moins hygroscopique et constituait donc une meilleure option.

matériaux d’isolation synthétiques

Comparativement aux produits végétaux et minéraux, les produits d’isolation synthétiques sont relativement récents. De nombreux matériaux végétaux et minéraux étaient utilisés avant la seconde guerre mondiale : l’amiante fut utilisé durant la révolution industrielle, l’isolation en laine minérale fut commercialisée au 19me siècle, et dans les années 1930, le marché européen s’avéra florissant pour les panneaux en fibres de bois. Peu avant et après la seconde guerre mondiale, on observa une forte et soudaine émergence des matériaux d’isolation synthétiques. A l’origine de cela, de nouveaux développements dans l’industrie chimique et pétrolière moderne, principalement en Allemagne, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, qui ont généré la production d’un nombre toujours plus grand de plastiques. En 1946, 50.000 tonnes de matériaux en plastique et synthétiques furent produites dans le monde entier, une quantité qui passa rapidement à 1.000.000 de tonnes en 1960. Les deux produits d’isolation les plus importants étaient le polystyrène expansé (PS) et la mousse de polyuréthane (PUR). Parmi les autres produits, citons le polychlorure de vinyle (PVC), la mousse de polycarbodiimide, le polyisocyanurate (PIR), le phénol-formaldéhyde (PF, ex. bakélite), l’urée-formaldéhyde, la mousse polyester, etc. Tous ces produits avaient en commun une masse volumétrique très légère (généralement inférieure à 40 kg/m³) et une valeur λ faible (entre 0,027 et 0,044 W/mK). En outre, ils étaient généralement inertes, résistants aux produits chimiques et aux substances biologiques. Cependant, ils étaient hautement inflammables, raison pour laquelle ils étaient généralement recouverts ou utilisés dans des cavités. Toutefois, l’« apparence » de ces mousses synthétiques entraîna une révolution dans le marché de l’isolation durant les années 1950.  

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Le polystyrène, un produit dérivé du benzène, était déjà utilisé dans la construction depuis 1930, mais il fallut attendre 1951 pour que la Badische Anilin- & Sodafabrik (BASF) élaborât une façon d’expanser ce produit en Allemagne. Par la suite, la société française Saint-Gobain et la société américaine Dow Chemical développèrent également de nouvelles façons de mettre en œuvre le polystyrène expansé, donnant lieu à des produits similaires, portant chacun une marque déposée spécifique. Le polystyrène expansé se présentait sous forme de mousse cellulaire blanche. Il était inerte et n’absorbait ni ne réagissait avec l’eau, le ciment, le plâtre, le bitume, etc., à l’exception de certains types d’huile et certains solvants qui le rendaient instable. Il était utilisé dans des cavités ou sous d’autres matériaux ignifuges, du fait de sa nature hautement inflammable. La mousse de polyuréthane, le second type d’isolation synthétique, fut élaborée en Allemagne en 1937. Elle était disponible en version souple, semi-rigide et rigide et était principalement utilisée respectivement dans l’industrie de l’ameublement, l’industrie automobile et l’industrie de la construction. La mousse rigide, à structure cellulaire fermée, avait une masse volumique de 25 à 150 kg/m³ et une valeur λ de 0,029 W/mK. Elle résistait bien aux substances chimiques et biologiques, mais elle absorbait l’eau. La mousse de polyuréthane était utilisée sous forme de blocs et de panneaux préfabriqués (de 2 à 6 cm d’épaisseur), mais elle pouvait également être projetée ou injectée sur site. A l’instar du polystyrène expansé, la mousse de polyuréthane était hautement inflammable. C’est pourquoi les panneaux étaient recouverts d’une feuille de papier kraft ou encore de bitume, d’un panneau en plâtre, d’un papier aluminium, etc. ou placés à l’intérieur d’un mur creux. La mousse était également utilisée pour isoler les toits plats, sous l’étanchéité, ou (du fait de sa résistance à la compression) pour isoler le sol, sous les solives en bois ou au-dessus de celles-ci, sous la chape de ciment. Les panneaux de polyuréthane associés à une plaque de plâtre les plus couramment utilisés faisaient 1,20 m de large, 3, 4, 5 ou 6 cm d’épaisseur (avec 1 cm de plus pour le plâtre) et 2,50, 2,60, 2,80 ou 3 m de hauteur. Ces panneaux pouvaient être fixés au mur avec de la colle ou mécaniquement.

import/export

Compte tenu de la diversité de natures et de formes des isolants, de très nombreuses marques étaient présentes sur le marché belge. Certaines d’entre elles étaient belges (produites en Belgique par une société belge), alors que d’autres étaient importées par de grandes sociétés internationales, ou produites en Belgique par des succursales de grandes multinationales. Les matériaux d’isolation synthétiques en particulier étaient produits par des sociétés internationales. Leur réussite a inspiré plusieurs sociétés belges spécialisées dans les matériaux d’isolation végétaux et minéraux, qui ont ainsi étendu leurs activités.

 

sociétés belges

Isoverbel, acronyme d’Isolation de verre belge, comptait parmi les principales entreprises belges d’isolation. Cette entreprise produisait des matériaux d’isolation thermique et acoustique à base de verre (laine de verre, soie de verre et fibres de verre). L’entreprise trouve ses origines dans la création du département isolation de la verrerie Saint-Gobain, en 1937. Isoverbel disposait d’un grand département de recherche et de consultance, ainsi qu’un département production, avec deux usines à Franière et à Namur. Ces produits étaient tous imputrescibles, ignifuges, insensibles aux moisissures et aux microorganismes et conservaient leurs propriétés isolantes au fil des ans. Les produits en fibres de verre étaient disponibles sous différentes formes : en vrac, cousues sur des mats de carton ou des treillis galvanisés, dans des feuilles ou des toiles (éventuellement recouverts de papier bitumeux), dans des panneaux rigides ou perforés, sous forme de mortier de finition, etc. Le panneau de base d’Isoverbel, Isover P.B., était un panneau en fibres de verre semi-rigide de 60 cm sur 120 cm, utilisé pour isoler les murs intérieurs et extérieurs et les murs creux. Incorporer un panneau de ce type dans un mur creux permettait de quadrupler la résistance thermique du mur. Il pouvait être recouvert d’un papier kraft bitumeux d’un côté pour faire office de pare-vapeur. Autre produit Isover : le Rollisol, couverture sur rouleau, mesurant jusqu’à 12 m de long, avec du papier kraft bitumeux d’un côté et du papier kraft perforé de l’autre, utilisé pour isoler les toitures. Les feuilles IBR étaient également vendues sur rouleaux, également avec option papier kraft bitumeux. Les panneaux de toitures P.I. Roofing étaient très lourds, rigides, avec une couche de bitume renforcé de fibres de verre au-dessus. Autre type de panneaux rigides : les panneaux Shedisol Alu, recouverts de papier kraft ou de papier d’aluminium d’un côté et utilisés par exemple dans les sols de cave ou les toits de bâtiments industriels. Leur gamme de produits s’est également enrichie des panneaux P.I.156, P.I.256, P.I.456, panneaux acoustiques P.A. 305 et Bergla, Stryroverbel (polystyrène expansé), etc. Du fait de sa vaste gamme de produits utilisés dans un large panel d’applications, Isoverbel a élaboré une importante documentation pour ses produits d’isolation thermique et acoustique. Ainsi, plusieurs cahiers de charges furent édités, indiquant à chaque fois le produit approprié, par exemple pour l’isolation des sols en béton avec des systèmes de plancher flottant (avec Feutre-sol Isover), des toits plats (avec P.I. Roofing), des murs extérieurs et des murs creux (avec panneaux Isover P.B.) et des toits en pente (avec Rollisol).

Les produits Isoverbel étaient également vendus par Cantillana, un fournisseur de matériaux de construction fondé en 1875 à Saint-Nicolas, spécialisé dans le plâtre et le gypse. A partir de 1933, Cantillana commercialisa son propre panneau Cellulit : à base de fibres de bois et de gypse, Cellulit était léger, isolant et résistant au feu. En outre, dès le début des années 1950, Cantillana vendit des produits en fibres de verre, se revendiquant « seul agent dépositaire pour le Grand-Bruxelles de la S.A. Isoverbel ». Sa gamme de produits se composait principalement de laine de verre (en vrac ou matelas, cousue ou non sur un carton, du papier kraft ou un treillis galvanisé) et de la soie de verre (en feuilles et en rouleaux). Ces produits pouvaient être utilisés entre le sol en béton et la chape, dans les faux-plafonds, les murs, les toits plats et en pente, etc. Cantillana créa également une plus-value en incorporant le panneau standard Isover P.B. dans un panneau acoustique appelé Insona. Ces panneaux de finition perforés étaient fabriqués en plâtre renforcé de fibres de verre et mesuraient entre 30 sur 30 cm et 62,5 sur 62,5 cm, pour une épaisseur pouvant atteindre 2 cm. Pour améliorer l’absorption acoustique, ils étaient munis d’un voile de finition en soie de verre Coromat et d’un panneau Isover semi-rigide d’au moins 2,5 cm d’épaisseur. Les panneaux Insona étaient résistants au feu, à la déformation, à l’humidité et aux températures élevées. Les panneaux étaient vissés soit sur une structure réticulaire, soit sur une structure de plafond suspendu. La Société Belge Isolex S.A. était une entreprise assez similaire à Isoverbel : elle combinait également agence de consultance et production et installation d’isolation en fibres de verre. Elle produisait de l’isolation thermique et acoustique, avec un intérêt marqué pour cette dernière (absorption des sons, amortisseurs de vibrations et réduction des réverbérations), sous différentes formes : panneaux, plaques, carreaux et flocage. Parmi les exemples de produits Isolex, citons Fiberglas Aerocor (couvertures en fibres de verre bakélisées, insensibles à l’eau et ignifuges), Navitex (panneaux fibreux poreux, qui absorbent les sons), Acoustifibre (panneaux en fibres de bois), Econacoustic (panneaux léger en fibres de bois), Fiberglas Perforated Tile, Travacoustic (panneaux en fibres minérales), Gold Bond Insulation Tiles & Planks (carreaux en fibres de bois), Metal-Acoustic (panneaux perforés), Acousti-pan (panneaux métalliques plats perforés avec cœur isolant en isolation de verre), Sprayed Limpet Asbestos S.L.A., etc. A l’exception de ce dernier, un pulvérisateur d’amiante, la plupart de ces produits étaient composés de fibres de verre ou de bois, sous forme de panneaux ou de carreaux. Ces carreaux et panneaux étaient souvent pourvus d’une surface poreuse ou rugueuse pour améliorer l’absorption sonore. Isolex a également commercialisé des mortiers de ciment isolants à utiliser en chape (ex. Matelas R.B.) ou en finition de plafond. Il a également produit l’Isostyrène : un panneau rigide, blanc, en polystyrène expansé, d’une masse volumique comprise entre 15 et 60 kg/m³ (λ = 0,031 W/mK). Ce panneau pouvait être cloué, scié et peint, il était insensible aux acides et aux huiles, et inflammable. En outre, Isolex distribua les feuilles et panneaux en fibres de verre de l’entreprise américaine Owens-Corning Fiberglas pour le marché belge à partir des années 1960. Ces plaques absorbaient les sons (grâce aux millions de bulles d’air emprisonnées), elles étaient légères, faciles à transporter et à placer, imputrescibles, inertes et inodores, ignifuges, indéformables et finies de différentes façons (rainurées, perforées, texturées). Les produits Owens-Corning Fiberglas, reconnaissables par leur couleur rose, étaient également distribués en Belgique par Eternit, autre entreprise belge qui produisait et distribuait des produits d’isolation.  

 

Eternit est mieux connue pour ses produits à base d’amiante, utilisés notamment comme isolants (souvent mélangés à du ciment ou utilisés dans des panneaux sandwich). Eternit disposait en fait d’une large gamme de produits d’isolation (principalement minéraux). Elle a ainsi produit Eterglass, à base de laine de fibre de verre bakélisée ou imprégnée de résines polymérisées synthétiques. Eterglass était ignifuge, imputrescible, insensible à l’humidité et disponible sous différentes formes, par exemple : Eterglass BL Kraft/Nu (feuilles ou couvertures, avec ou sans papier kraft bitumeux), Rolliglas (avec papier kraft des deux côtés), Sonosol (couvertures et panneaux d’isolation acoustique), Type 700/701/702 (panneaux muraux rigides et semi-rigides) et Type 703/704 (panneaux rigides à densité élevée, plutôt pour les sols). En outre, pendant les années 1960, Eternit distribua plusieurs produits d’isolation à base de fibres de verre fabriqués par Owens-Corning Fiberglas pour isoler les murs intérieurs et extérieurs, les sols, les plafonds et les murs de séparation. Tous les produits, souples comme rigides, étaient à base de fibres de verre, sous différentes formes et en diverses qualités, ex. feuilles de fibres de verre filées polymérisées ou panneaux en fibres de verre pour faux plafonds. Les panneaux pour plafonds d’Owens-Corning Fiberglas (Sonocor, Sonoplat et Sonoflex) se ressemblaient beaucoup : ils étaient mis en place dans des cadres (métalliques) et étaient faciles à soulever ou à enlever par après, permettant d’accéder à tout moment aux tuyaux et conduites sous-jacents. Les panneaux ne nécessitaient pas beaucoup d’entretien, étaient légers (0,85 kg/m²) et faciles à nettoyer à l’eau et au savon. Quant aux capacités thermiques, un faux plafond de ce type était présenté comme équivalent à 25 cm de béton cellulaire ou à 108 cm de béton armé. D’un point de vue acoustique, les panneaux étaient très performants grâce aux bulles d’air comprises dans la masse des panneaux en fibres de verre. Eternit a également produit d’autres produits d’isolation tels que Menuiserite (panneaux en amiante-ciment avec des fibres cellulosiques), Lithoperl (perlite expansée), Eterfoam (mousse d’isolation à base d’une résine de phénol-formol expansée) et les panneaux sandwich Glasal (avec un cœur de polystyrène ou d’Eterfoam). Avec ces derniers, Eternit a étendu sa gamme de produits de matériaux d’isolation minéraux aux matériaux d’isolation synthétiques (comme l’avait fait Isoverbel lorsqu’elle avait commencé à produire le polystyrène expansé Stryroverbel), suite à la réussite des fabricants internationaux Dow et BASF à la fin des années 1950.

 

entreprises internationales

Le développement de matériaux d’isolation synthétiques donna lieu à une révolution dans le marché de l’isolation, et ce, pas uniquement à cause du nouveau type de produits introduits ou de la manière dont ils étaient mis en œuvre. La production de matériaux d’isolation synthétiques étant dominée par plusieurs grandes entreprises internationales, les marchés belges se sont ouverts à ces produits internationaux. BASF et Dow en étaient les deux principaux acteurs au niveau mondial.

En 1951, l’usine allemande Badische Anilin- & Sodafabrik (BASF) élabora le Styropor, une mousse de polystyrène expansé. Cette mousse était thermoplastique, ce qui signifie qu’elle s’assouplissait et pouvait être déformée lorsqu’elle était chauffée. Mise sur le marché en 1954 environ, Styropor connut un succès quasi immédiat, avec des dizaines de millions de mètres carrés mis en œuvre en 1960. La structure physique du Styropor se composait à 97 – 98,5% d’air, sous forme de bulles qui ne communiquaient pas les unes avec les autres. Cette structure en faisait le matériau idéal pour l’isolation thermique et acoustique. La conductivité thermique du Styropor correspondait à environ 0,030 W/mK. La mousse était produite en différentes densités, sortes et formes. Ses classes de masse volumique variaient entre 15 à 20 kg/m³, 20 à 25 kg/m³ et 25 à 30 kg/m³. BASF élabora quatre types de Styropor (P, H, F et K) : déjà différents en termes de densité, de résistance à la compression, d’absorption d’eau et de diffusivité, chacun de ces quatre types présentait en outre des caractéristiques typiques, comme une bonne résistance à l’huile, au feu ou encore une surface texturée. La mousse de Styropor était vendue sous différentes formes, des blocs aux panneaux, des profilés aux tapis. Elle pouvait être coupée, sciée, forée, clouée ou collée très facilement, rendant l’installation rapide et simple. Elle n’absorbait quasiment pas d’eau grâce à sa structure cellulaire interne à cellules fermées. De plus, elle ne rétrécissait pas, était imputrescible, absorbait les vibrations et était très résistante à la compression et à la flexion : directement après le placement, on pouvait marcher sur la mousse de Styropor avec des chaussures adaptées. Elle résistait à l’eau de mer, aux acides, à la lessive et aux sodas. Elle a également très bien répondu aux tests de vieillissement : des tests menés sur des objets qui avaient six ans en 1960 ont montré que la structure et les propriétés mécaniques n’avaient pas changé. La mousse de Styropor était utilisée pour isoler les murs intérieurs et extérieurs, les sols, les plafonds, les tuyauteries, les fondations, les terrasses, les cheminées, etc. et comme coffrage perdu pour le béton coulé sur place. Elle était également utilisée pour l’isolation acoustique des murs et plafonds, comme carreau de sol pour absorber les bruits de contact, ou pour les planchers flottants en béton.

La Dow Chemical Company USA, fondée en 1897, comptait parmi les entreprises de l’industrie chimiques les plus importantes dans le monde durant l’après-guerre. Dow a produit deux isolants importants, tous deux fabriqués à partir de polystyrène extrudé : le Styrofoam FR (toujours produit en 2015, commercialisé pour ses « performances isolantes exceptionnelles à long terme sur les fondations, les toits, etc») et le Roofmate. Styrofoam était une mousse de polystyrène rigide expansé, mais contrairement au Styropor, elle était fabriquée par un procédé d’extrusion. En revanche, ses propriétés étaient assez similaires à celles du Styropor. Styrofoam présentait une structure cellulaire fermée et était donc résistante à l’eau. Styrofoam était facile à couper, conservait ses capacités isolantes, ne se détériorait pas et n’était pas sensible aux intempéries. Elle était aussi légère, imperméable et ignifuge. Elle présentait une rigidité élevée et d’excellentes propriétés mécaniques face à la compression, à la flexion et au cisaillement. On pouvait reconnaitre la mousse Styrofoam grâce à sa couleur bleue : comme le disait bien le slogan, « S’il n’est pas bleu, ce n’est pas du Styrofoam FR! » La mousse Styrofoam pouvait être utilisée à l’intérieur d’un mur creux ou comme finition du côté intérieur ou extérieur d’un mur simple : elle ne devait pas être fixée mécaniquement, il suffisait de la coller à la maçonnerie avec un mortier-ciment mélangé à du Styrotac. Styrofoam pouvait aussi être utilisée comme coffrage perdu pour le béton coulé sur place (mais moyennant renforcement par une structure temporaire durant le coulage du béton), après quoi elle pouvait être recouverte de mortier ou d’une finition au choix. Utilisée aux États-Unis à partir des années 1940, Styrofoam arriva sur le marché européen pendant la première moitié des années 1960, quand l’usine Dow de Terneuzen en démarra la production. Roofmate était fabriqué dans le même matériau et selon le même procédé de fabrication que la mousse Styrofoam, de manière à lui donner exactement les mêmes qualités. Roofmate était un panneau bleu rigide, spécialement fabriqué pour isoler les toits plats. Il ne pesait que 40 kg/m³. En ce qui concerne ses propriétés mécaniques, il résistait très bien aux charges uniformément distribuées et concentrées comme celles de brouettes, jusqu’à 0,20 N/mm² et plus.  

 

diversité & spécialisation

De très nombreuses entreprises étaient actives sur le marché belge, engagées dans plusieurs types d’activités. Quelques entreprises proposaient un service complet, de la recherche à la production en passant par les conseils pratiques dans le choix ou l’installation des produits. Isoverbel faisait partie de cette catégorie, tout comme les Établissements Ernest Lenders, entreprise spécialisée dans l’acoustique. Cette dernière contrôlait le processus dans son intégralité, de la production à la construction : elle combinait les fonctions de producteur, commerçant, société de construction, institut de recherche avec laboratoires, et agence de consultance.   Le marché était tellement vaste qu’il n’était pas rare de voir des entreprises se focaliser sur un matériau spécifique. Ainsi, la S.A. Quercine s’était concentrée sur un produit en particulier : le liège. Née en 1927 de la fusion de trois entreprises belges riches de 25 ans d’expérience dans le liège, Quercine a élaboré plusieurs matériaux d’isolation à base de liège aggloméré, à la fois pour la construction de logements et des applications industrielles. Sa gamme de produits destinés aux logements se composait principalement de feuilles et de panneaux relativement fins (Suberlino I, II et III, Liko, Aérom et Expansiol), à mettre en œuvre dans des sols, murs, toits et plafonds. L’entreprise Foamglas s’était spécialisée dans le verre cellulaire et en détenait le monopole au niveau mondial. Le concept de verre cellulaire a été élaboré par la verrerie Saint-Gobain, qui en vendit la licence en 1937 à l’entreprise américaine Pittsburgh Corning Corporation. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que le matériau fut utilisé dans des constructions, en partie grâce à une campagne publicitaire intensive. Des accessoires et colles spéciaux furent élaborés pour mettre le matériau en œuvre dans des immeubles. Finalement, Foamglas fut introduit avec succès sur le marché belge : le matériau fut d’abord importé (l’un des distributeurs en Belgique était Revisma), et en 1964, la première usine belge Pittsburgh Corning of Belgium plc vit le jour à Tessenderlo.

isolation acoustique

L’isolation acoustique est un terme générique pour désigner les produits et matériaux mis en œuvre pour réduire le niveau sonore, améliorer l’acoustique et/ou empêcher la transmission des sons. Le marché de l’isolation ayant connu son essor durant l’après-guerre, plusieurs entreprises se sont spécialisées dans les produits d’isolation acoustique. Toutefois, au début de l’après-guerre, il n’était pas rare de voir les (peu nombreuses) entreprises d’isolation avoir une double expertise, à la fois en isolation acoustique et thermique. Comme les deux concepts se trouvaient dans une niche et n’étaient pas encore totalement compris par de nombreux architectes et ingénieurs, il était souvent opportun de les combiner dans une même entreprise ou agence de consultance. Plusieurs produits d’isolation thermique et acoustique étaient aussi fabriqués dans les mêmes matériaux, généralement de nature végétale ou minérale. Au début de l’après-guerre, la presse architecturale accorda de plus en plus d’attention aux transferts de chaleur et de sons, avec un léger avantage pour les matériaux d’isolation acoustique. Cela changea dans les années 1950 et en particulier dans les années 1960 : d’un côté le besoin en isolation thermique était plus marqué, d’un autre côté l’avancée des matériaux synthétiques d’isolation thermique avait accentué la différence entre les deux concepts.  

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Parmi les principales entreprises belges spécialisées dans l’isolation acoustique (et qui ne consacraient qu’une petite part de leur activité à l’isolation thermique), citons les Établissements Ernest Lenders. Fondée pendant l’entre-deux-guerres, l’entreprise Lenders s’est concentrée sur l’absorption des vibrations, l’isolation contre les sons aériens (dans les sols, murs, écrans, fenêtres et portes), la correction acoustique (théâtres, auditoires…) et la réduction de la réverbération. Elle a utilisé de nombreux matériaux différents, mis en œuvre pour la plupart dans une large gamme de panneaux. Lenders produisait des panneaux à base de plâtre (ex. Gypstone), de laine minérale (Wooltone et Wooltex), de fibres de bois (Reduxon, Perfocel et Lenderson), d’amiante (Paxtile), ainsi que d’amiante projetée (S.L.A.). La S.A. Fourisol était également spécialisée dans l’isolation acoustique. Elle était connue pour ses produits Aciercoustic (plaque métallique perforée), Aciercoustic Sound Lock (un panneau sandwich pour plafond revêtu d’un panneau Aciercoustic), Ondulcoustic (une plaque d’acier perforée et ondulée ou plaque émaillée), Alprocoustic (plaque d’acier perforée), Profilacoustic (plaque d’acier pliée à âme isolante), Supersonisol (plaque à base de fibres végétales), flocage d’amiante, Acoustone (plaque à base de fibres minérales) et Hansacoustic (plaque avec fibres de verre), entre autres.  

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Comme on a déjà pu voir avec la gamme de produits de Lenders et de Fourisol, la grande variété de panneaux est un thème récurrent dans le commerce de l’isolation acoustique. Ces panneaux étaient utilisés comme revêtement mural, mais plus spécialement pour les plafonds suspendus. Comme ils étaient visibles et donc décoratifs, les entreprises ont fortement investi dans l’esthétique des panneaux en les proposant en plusieurs couleurs, motifs et finitions. Ainsi, la société S.A. Bruynzeel élabora le panneau Antisone pour murs et plafonds : à base de particules de bois, ces panneaux existaient en différentes formes et dispositions et en plusieurs finitions en placage. Ces panneaux avaient pour particularité de présenter une surface rainurée : ces rainures donnaient naissances à de longues cavités internes tubulaires dans lesquelles les ondes sonores étaient capturées. De nombreuses sociétés optaient pour des panneaux perforés. Ainsi, la société Van Hoorebeke & Fils produisait des panneaux Parasonit, en trois versions différentes : l’une avec des rainures, alors que les deux autres étaient perforées pour une absorption maximale des sons. L’Armstrong Cork Company a également produit plusieurs types de panneaux et de carreaux pour des plafonds acoustiques (Arrestone, Cushiontone, Travertone, Corkoustic), dont plusieurs perforés (Arrestone, Cushiontone et Cushiontone F). La gamme de produits de Soundex comprenait des panneaux de plâtres perforés, et des lambris de plafond acoustiques en aluminium perforé avec une âme interne qui absorbe les sons. Ce type de panneaux pouvait être monté de différentes façons (avec de la colle, des clous ou des vis ; sur une surface plane, une structure réticulaire ou un plafond suspendu).  

Acousticplast comptait quant à lui parmi les rares exceptions dans la gamme relativement traditionnelle de panneaux et carreaux rainurés et perforés pour l’isolation acoustique. Ce plâtre, développé par la S.A. Aeroplast, devait être appliqué à la truelle sur un mur enduit ou cimenté, ou directement sur un mur en béton ou maçonnerie. Il se composait de fibres d’amiante, de vermiculite et d’un agent liant inorganique. Ce type spécifique de plâtre offrait également une isolation thermique (λ = 0,053 W/mK), une résistance au feu (jusqu’à 1.200° C), ne rétrécissait pas, et était très léger (2,5 kg pour une couche d’1 cm d’épaisseur sur un mètre carré).

isolation thermique

débat public

Divers acteurs et organismes s’illustrèrent en s’impliquant dans le débat lié à l’isolation durant l’après-guerre. En 1952/1953 et 1956, La Maison publia deux séries d’articles sur l’isolation thermique et acoustique par Antoine de Grave, ingénieur et inspecteur en chef au Ministère des Travaux publics. Il est remarquable qu’un fonctionnaire de haut rang soit l’un des premiers à écrire abondamment sur le sujet dans les années 1950, d’autant plus qu’à part les campagnes publicitaires commerciales et certains articles isolés et succincts, il a fallu attendre la fin des années 1950 pour que l’isolation thermique devienne un thème récurrent dans la presse architecturale. Ainsi, en janvier 1958, Bouwen en Wonen publia un article portant sur l’isolation thermique des maisons comme source importante de réduction des coûts. En mars 1959, ils poursuivirent avec un sujet thématique sur l’isolation thermique et sonore (incluant un cours synthétisé de physique du bâtiment). En 1959, Bouwen en Wonen fit également rapport à plusieurs reprises de l’exposition sur l’isolation thermique et acoustique que le journal co-organisait au Centre National du Bâtiment d’Anvers. Cette exposition itinérante était une initiative allemande : même si l’exposition put compter sur la coopération de nombreuses sociétés belges, l’industrie, le gouvernement et les associations professionnelles belges n’étaient apparemment pas encore pleinement équipés pour organiser leur propre évènement en 1959. En revanche, en Allemagne comme au Royaume-Uni, il existait déjà une loi qui prescrivait l’utilisation d’isolation dans les maisons à cette époque. En Belgique, en France et aux Pays-Bas, il fallut attendre les années 1970 pour qu’une telle loi ne sortît. Néanmoins, on peut considérer que l’exposition a représenté un premier pas dans un débat intensifié, objectif et vaste.

 

approche scientifique

Même si le concept de valeur U ou de transmission thermique à travers un mur était déjà défini dans les années 1850, il ne devint important que bien plus tard. La valeur λ des matériaux apparut dans la presse périodique belge à partir de 1959. Le début des années 1960 vit apparaitre les « ingénieurs de chauffage » et les agences de consultance spécialisées indépendantes : ils calculaient les valeurs U et comparaient différents matériaux et systèmes d’isolation. Les conseils techniques devenaient de plus en plus indispensables dans le secteur florissant de l’isolation. Les études thermiques complètes et les bilans thermiques ne prenaient pas seulement en considération les capacités isolantes de certains matériaux, mais aussi la forme et la connexion de différents matériaux, la température intérieure et extérieure, les courants d’air et les systèmes de ventilation.

Les sociétés d’isolation insistèrent de plus en plus sur des approches et des débats plus scientifiques. L’une des premières initiatives dans ce sens fut la fondation, en 1962, de la Communauté de l’isolation thermique et acoustique (dont La Maison fit écho entre octobre 1961 et juin 1962). Cette association nationale rassemblait des entreprises, des autorités publiques et des institutions scientifiques comme le Centre scientifique et technique de la construction (CSTC). Peu avant, un comité technique sur l’isolation avait été créé au sein du CSTC, ce qui tendait également à démontrer la professionnalisation du secteur. Les objectifs tant de l’association nationale (de stimuler l’échange des connaissances et d’informer le public au sens large) que du CSTC (de mener des recherches scientifiques pour améliorer les meilleures pratiques) étaient dans l’alignement des recommandations du comité international de l’énergie de l’Organisation de coopération et de développement économique de 1962, qui encourageait les gouvernements et les associations professionnelles à diffuser l’information et à publier des normes minimales au sujet de l’isolation thermique.

 

 

 

normes et règlementations

Durant les années 1960, le CSTC publia plusieurs rapports techniques sur l’isolation, par exemple sur l’isolation des toits plats (en 1962) et le mesurage de la conductivité thermique (en 1964). Le CSTC aspira également à rehausser les normes pour la construction grâce au Cahier général des charges pour travaux de construction privée, édité conjointement avec la Fédération royale des sociétés d’architectes de Belgique (FAB) et la Confédération nationale de la construction (CNC). En 1973, dans les clauses techniques de ce cahier des charges, 25 pages furent consacrées aux concepts de base, aux propriétés et aux directives de mise en œuvre de l’isolation. Ces clauses n’étaient pas contraignantes, mais étaient une référence pour les architectes et les entrepreneurs dans leur pratique quotidienne. La première norme relative à l’isolation thermique en Belgique (NBN B62-001) sortit en 1974. Les travaux préparatoires furent entamés en 1969 par la commission spéciale de l’Institut belge de normalisation (IBN) sur l’isolation thermique des bâtiments. En mars 1974, la norme fut présentée à un colloque national, organisé conjointement par l’Institut national du logement (INL), la communauté pour l’isolation fondée en 1962 et le CSTC, avec le soutien de plusieurs ministères. Antoine de Grave, à l’époque Directeur général au Ministère des Travaux publics, nota que la première norme belge n’était guère innovante ou précurseur – si les autorités publiques sortaient des lois ou des règlementations, elles se basaient généralement sur les connaissances technologiques et synthétisaient la recherche existante, en ce compris une recherche et des pratiques potentiellement obsolètes. La norme belge était quelque peu différente de ses homologues européens, telle que la première règlementation française, sortie également en 1974. La Belgique proposait un indice de transmission T maximum pour chaque pièce (établi à 0,9 W/m²° C), alors que beaucoup d’autres pays, comme la France, proposaient une valeur G ou de transmission de la chaleur maximale pour l’immeuble dans son ensemble. L’indice T belge était assorti de prescriptions sur la condensation et d’une résistance thermique minimale pour certains murs. Dans l’ensemble, cette norme reflétait « une méthode rationnelle et globale pour améliorer l’isolation thermique de bâtiments et pour réduire la consommation d’énergie sans diminuer le confort des occupants » (de Grave, 1974). Cette double perspective, l’énergie et l’économie d’une part et le confort d’autre part, n’avait en fait rien de neuf : au contraire, elle semble avoir guidé la pratique et le développement des produits au cours des trois décennies précédentes.

 

La Maison 04

 

économie et confort

Très tôt, l’économie et le confort furent des mots-clés dans les discours portant sur l’isolation thermique. Les entreprises d’isolation se focalisèrent spécialement sur les aspects financiers pour convaincre les architectes et les propriétaires. Ainsi, Isoverbel choisit comme slogan « Isoler, c’est épargner ». En janvier 1958, Bouwen en Wonen dénonça le fait que beaucoup de maisons étaient encore construites sans isolation. Les pertes calorifiques liées à une isolation insuffisante s’élevaient à 50%, mais pouvaient être réduites à 15% en incorporant 10 cm de laine minérale dans les murs et le toit. D’un autre côté, le coût lié à l’isolation placée par des entreprises spécialisées augmentait de 10% le coût total de la maison. L’ouvrage Thermal design of buildings (Rogers 1964), et en particulier son sous-titre : a guide to economically sound thermal design est un exemple illustratif de l’argument économique. Son objectif était d’être un guide pratique, traduisant les performances du bâtiment en coût, car « les dollars sont plus faciles à comprendre que les BTU » (British Thermal Units, les unités thermiques utilisées en Grande-Bretagne). Rogers souligna également que l’utilisation accrue de verre devait être prise en compte : la surface vitrée moyenne d’un bâtiment avait doublé, passant de 15% deux générations auparavant à 30% au milieu des années 1960. En effet, la tendance architecturale d’après-guerre visant à avoir des structures toujours plus ouvertes, plus légères et moins inertes (ex. les murs-rideaux) avait mis davantage en exergue l’importance de la conception thermique.

 Au cours des années 1960, l’utilisation d’énergie grimpa à cause de l’expansion économique générale, de l’accroissement du parc immobilier et de l’augmentation des exigences en matière de confort. Cette tendance à la hausse prit fin au début des années 1970, avec la flambée des prix de l’énergie consécutive à la crise mondiale des prix du pétrole. Plus ou moins au même moment, en 1972, le rapport Halte à la croissance ? du Club de Rome sensibilisa le public sur le caractère épuisable des ressources naturelles, en particulier du pétrole, provoquant une prise de conscience croissante des pertes calorifiques et des aspects environnementaux qui allaient de pair. La crise pétrolière créa une pénurie de matériaux d’isolation aux États-Unis, tandis que la production d’isolation thermique en France et en Allemagne (les deux plus grands marchés d’Europe en matière d’isolation) doubla entre 1979 et 1980 pour satisfaire les demandes croissantes.

l'isolation des immeubles résidentiels à Bruxelles

L’histoire de l’isolation thermique durant l’après-guerre va bien au-delà des matériaux d’isolation purs, primaires, mentionnés plus haut. A partir des années 1950, les propriétés isolantes des matériaux de construction en général devinrent clairement un avantage supplémentaire et un argument de vente. Les trois principaux types de matériaux d’isolation secondaires repris dans cet historique sont les panneaux décoratifs, le verre et le béton. La valeur isolante des panneaux décoratifs fut augmentée en ajoutant une couche interne de matériau d’isolation pour en faire des panneaux sandwich. Le verre entra dans le discours sur l’isolation avec le double-vitrage, produit en Belgique à partir de 1947, et d’autres types spécifiques de verre comme le verre athermique ou le verre semi-réfléchissant. Pour le béton, le problème de la transmission de chaleur fut partiellement résolu avec le béton léger, de plus en plus populaire en Europe à partir des années 1950.  

Une analyse des maisons érigées à Bruxelles, publiée dans la presse architecturale en 1945-1970, permet d’évaluer l’importance des matériaux d’isolation primaires et secondaires dans la construction d’après-guerre. Sur près de 160 descriptions qui font spécifiquement référence aux matériaux de construction, plus de 40% font mention de matériaux d’isolation primaire ou secondaire. L’isolation primaire était utilisée dans 12% des cas (panneaux et couvertures de fibres de verre, panneaux de ciment-fibres de bois, laine de roche, polystyrène expansé, liège, etc.), l’isolation secondaire dans 20% de cas (béton léger Ytong et Durisol, double vitrage Thermopane et Polyverbel, verre isolant Thermolux, panneaux préfabriqués et panneaux sandwich Glasal, Massonite, Linex, etc.), et les deux combinées dans 12% des cas. La première habitation privée bruxelloise isolée parue dans La Maison illustre la combinaison de matériaux d’isolation primaires et secondaires : dans une villa à quatre façades à Uccle, parue dans le numéro de novembre 1948, l’architecte Simone Guillissen-Hoa a combiné des matelas de soie de verre dans le toit et la terrasse tropézienne, du béton léger Durisol pour les sols et des panneaux Celotex (à base de fibres de jonc) pour le plafond. L’analyse des exemples ayant eu recours à des matériaux d’isolation primaire montre que les produits végétaux, suivis de très près par les minéraux, sont de loin plus utilisés que les produits synthétiques. Cela s’explique en partie par les limites inhérentes à l’analyse de l’échantillon : les matériaux d’isolation synthétiques étaient encore relativement nouveaux et devaient encore gagner du terrain sur leurs homologues végétaux et minéraux. Dans la catégorie des isolants végétaux, le bois semblait réunir le plus de faveurs. Parmi les autres produits végétaux utilisés, on retrouve le liège et occasionnellement aussi le roseau. Parmi les produits minéraux, le verre était de loin le plus populaire, le plus souvent sous forme de laine de verre ou, parfois, de panneaux en fibres de verre. Deux autres produits minéraux mentionnés sont la laine de roche, également relativement populaire, et le mica expansé. Si on garde à l’esprit que ces descriptions dans la presse architecturale sont loin d’être exhaustives, on peut aisément supposer que l’utilisation réelle des matériaux d’isolation était bien supérieure encore, comme le confirme la présence croissante d’isolation thermique dans la construction, même avant la crise pétrolière de 1973.