préfabrication lourde en Belgique
D’après une enquête menée en 1969, à la demande de la compagnie financière Kredietbank, seules 2% des maisons construites en Belgique bénéficiaient de techniques de construction industrialisées comme la préfabrication lourde. Ce pourcentage était sensiblement inférieur à celui du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et de pays d’Europe de l’Est, où ces techniques concernaient 10 à 30% du total des nouvelles maisons. Si ces systèmes de construction industrialisés étaient moins populaires en Belgique, c’est notamment parce que les grandes entreprises de construction n’y étaient pas légion : l’industrie belge de la construction était dominée par des petites et moyennes entreprises, de moins de quatre employés pour la plupart, et non équipées pour la mise en œuvre de ces techniques. De plus, la politique de gouvernement n’était pas très favorable à la préfabrication lourde. A partir de 1948, le gouvernement avait indirectement encouragé des méthodes de construction traditionnelles avec sa loi De Taeye. Cette loi avait stimulé les acquisitions privées de maisons individuelles par le biais de primes et de crédits. Les primes s’appliquaient aux petites maisons individuelles, qui étaient généralement construites par de petites entreprises aux méthodes de construction plutôt traditionnelles. La maison De Taeye (dont 100.000 exemplaires avaient été construits en cinq ans à peine) se distinguait par ses murs en briques, ses menuiseries extérieures en bois et son toit en bâtière, couvert de tuiles céramiques.
La loi De Taeye eut un impact négatif pour les projets à grande échelles de logements collectifs à plusieurs étages, précisément le domaine d’application où les systèmes de préfabrication lourde étaient compétitifs. Cela n’a toutefois pas empêché le secteur de la construction de maisons individuelles en Belgique d’après-guerre de profiter du développement technique de l’industrie de la construction. Si la préfabrication lourde fut boudée, la préfabrication légère ou partielle fut en revanche adoptée, en recourant notamment à des matériaux de construction « traditionnels améliorés » comme les hourdis et le béton léger (voir chapitres 1 et 4), ceux-ci étant plus faciles à intégrer dans la pratique de construction courante que les systèmes de construction industrialisés et les systèmes de préfabrication lourde.
Le manque de succès rencontré dans la pratique en Belgique est perceptible dans la littérature belge contemporaine, qui fait peu référence à la préfabrication lourde. Les journaux d’architecture d’après-guerre ne parlaient que peu de la technique et des applications de la préfabrication lourde ; du coup, et vu les limites du marché, les fabricants ne faisaient pas de publicité dans ces journaux. En 1960, le journal Wonen/Habiter, édité par l’organisme semi-gouvernemental Institut national du logement (INL), publia une interview de J. Barets, directeur général de la Compagnie Française d’Engineering Barets, une des plus importantes entreprises française de préfabrication lourde. Toutefois, il s’agissait davantage d’un plaidoyer en faveur du concept que d’une description technique. En 1964, ce même journal fit l’exposé de la réalisation du quartier Ban Eik de Wezembeek-Oppem, conçu par les architectes du Groupe Structures (1957-1960), dans laquelle deux tours à appartements avaient été érigées selon le système Barets. En 1965, le journal Architecture fit l’une des critiques les plus exhaustives de la littérature contemporaine belge sur la préfabrication lourde. Ce numéro spécial comprenait une description technique succincte de 12 systèmes (Cauvet, Barets, Camus, Tracoba, Coignet, Bianchina, Estiot, Porte des Lilas, Fiorio, Costamagna, Pagnanini et Technove) et de quelques études de cas. Parmi les exemples-phares de cette technique, on retrouve la Cité Modèle à Bruxelles, construite avec les systèmes Barets et Cauvet. A notre connaissance, ces deux systèmes français sont les seuls à avoir été mis en œuvre à Bruxelles durant l’après-guerre. Leur flexibilité (en dimensions et en composition) motive certainement ce choix. De plus, le fait qu’ils puissent être préfabriqués sur chantier, au pied des immeubles à ériger, joua énormément en leur faveur, surtout en l’absence d’usine importante dans le domaine de la préfabrication lourde en Belgique.